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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/455

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D’UNE PARTIE DU PREMIER LIVRE.

seurs jours : présens, le conte de Haynnau, messire Jehan son frère et leur conseil. Et quant tout fu conseillé et advisé, les Alemans dirent tout d’un acort : que, au nom de Dieu, le conseil d’Engleterre esmeuist le roy à ce qu’il passast la mer et venist en Anvers, tant qu’il le puissent veoir, car il en avoient grant desir. Et sur ce se partirent tous, et s’en rala chascun en sa marche. Et adont les Englès en ralèrent par Dourdrech, car il n’osèrent raler par Flandres ne devant l’ille de Gagant, pour doubte d’estre rués jus des escumeurs, qui estoient là de par le conte de Flandres.

CHAPITRE CII.

Quand les prélas et les seigneurs furent revenus de le grant besongne dont ils avoient esté chargiés, le roy les rechupt à grant joie, et tous les autres seigneurs. Adont, présent le roy et tous les seigneurs, firent leur relacion comment il avoient esté à Valenchiennes grandement rechus, comment le roy de France n’y avoit envoié personne de par luy, et comment, par prière, madame la contesse et de messire Jehan de Haynnau, furent à Paris et raportèrent les responses du roy, et comment après ce se conseillèrent au conte de Haynnau de mander les Alemans qui avoient promis confort et aliances frances, comment il vinrent volentiers, et comment il ont dit devant le conte : « qu’il vous reconforteront le plus qu’il porront, mais que on leur tiengne convent, et comment ils prient que vous passés le mer au plus tost que vous poez, adfin qu’ils vous puissent véir et comment vos besongnes en vauldront mieulx. Au surplus vous disons que le conte de Flandres tient garnisons en l’ille de Gagant, de gens d’armes qui gardent le pas sur les frontières, et ont jà fais pluiseurs despis à vous et à vos gens, dont il vous doit desplaire et à tout vostre royalme. »

CHAPITRE CIII.

Quant le roy d’Engleterre oy ces nouvelles, si en fu moult pensieux : mais nient mains celles que les Alemans lui mandoient li plaisoient moult bien. Si demanda conseil sur ce. Dont respondirent les plus de ses espécials amis qu’ils ne tenoient point « que le roy de France ne tenist que vous ne l’oseriez guerrier. Si vous conseillons pour vostre honneur que vous faciés ung parlement à estre à ceste Saint-Michiel à Londres, où tous ceulx du grant conseil soient mandé, et que nuls ne s’en excuse. Et adont, selon ce que vostre conseil se portera, si ouvrez. » Le roy si accorda. Adont manda et commanda à tous que tous y venissent ; et fu à le Saint-Michiel l’an trente sept. Et tous y furent, ce fu raisons. Et pour ce que nulle advenue des fais d’armes, qui sont advenu en ce terme des deux royalmes, ne doivent estre oublié, je vous en conteray qu’il advint adont en Gascoingne, endementiers que le roy séjournoit à Vies-moustier.

CHAPITRE CIV.

Ce fu le treizième jour d’avril, en un Pasques, l’an trente sept ; au matin, vint ung hérault du roy d’Engleterre que on appelloit Cardoël, que le roy avoit fait ès voyages d’Escoce. Ce hérault avoit esté hors du pays par l’espace de cinq ans, travillans par le monde, tant en Pruse comme en Jherusalem. S’estoit revenus par Barbarie et par Espaigne, et avoit esté ès guerres de Grenade ; s’estoit revenus par Navarre en Gascongne, et s’avoit trouvé grans guerres et grans esmouvemens des forteresses des Franchois aux Englès ; car jà y estoient de par le roy de France plenté de seigneurs : tels que le conte d’Ermignac, le conte de Fois, le conte de Comminges, le conte Dalphins, le conte de Nerbonne, le sénescal de Toulouse, le sire de Beaujeu, le sire de Tournon, le sire de la Bare, le sire de Collenches et plusieurs autres ; et avoient jà mis deux siéges, l’un devant ung fort que on appelloit Peme, et l’autre devant Blayes ; et contraindroient durement ceulx de Bordiaux par la rivière de Géronde. Si disoient ces seigneurs que le pays estoit sourfais et acquis au roy de France, comme cy après s’ensieult. Si ne se mouvoit nuls contre les François, car il n’avoient pooir ; mais tenoient les forteresses closes et les deffendoient de leurs puissances. Sy avoient le dit hérault chargiet les pluiseurs, et par espécial ceulx de Bordeaux et le plus de crédence, et bien prié, que hastivement se volsist avanchier de estre devers le roy. Lequel avoit tant exploitié qu’il estoit montés sur mer au port à Baionne. Si fu au cinquième jour au havre de Hantosne ; et puis tant chevaucha qu’en sept jours demy vint à Londres où le roy