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D’UNE PARTIE DU PREMIER LIVRE.

baie Saint-Michiel en Ampvers. Si estoit la damme nouvellement relevée de ce bel fil Lyon, qui puis fu duc de Clarence et mariés en Lombardie, si comme vous orez cy après[1]. Le conte Willame de Haynnau et Jehan de Beaumont aloient souvent véoir le roy et la roynne ; et les barons d’Engleterrre aloient souvent esbattre en Flandres et en Brabant, là où il estoient grandement festié, et pareillement en Haynnau.

CHAPITRE CXXXIII.

Vous avez bien oy dire aucunes fois que : on sault bien sy avant que on ne peut reculer ; et ossy : on s’oblige bien si fort que par honneur on ne s’en peut départir. À ces propos le duc de Brabant s’estoit si avant enconvenenchiés au roy d’Engleterre qu’il ne pooit reculler ; et aussy il y estoit moult tenus, car c’estoit son cousin germain. Or avoit adont en Brabant pluiseurs barons et chevaliers qui estoient plus enclins aux Englès que aux François ; et toutes voies les bonnes villes de Brabant volsissent bien que le roy d’Engleterre fust plus brief confortés ; mais le duc, qui estoit sages homs, ne se boutoit point voulentiers en guerre contre les Franchois, se n’estoit par grant délibéracion de conseil ; car il resongnoit les grans périls à quoy il pooit venir. Et bien disoit en son secret, que jà ne seroit Englès, se Haynnuiers et Flamens ne l’estoient aussi. Tant que de Flandres avoit beau commencement le roy d’avoir l’accord, car tous li communs estoit pour luy ; et aussi Artevelle les pressoit souvent, et remonstroit tant de belles raisons qu’ils estoient auques tout prest. Et en Haynnau par les bonnes villes estoit trop plus amés et recommandés le roy Englès que celui de France. Si voulsissent bien que li conte s’i fust aliés ; mais le conte disoit bien et sagement, que son bel oncle lui estoit plus prouchains, et le royalme de France plus voisins et amis ; et de ce le roy l’en savoit très bon gré.

CHAPITRE CXXXIV.

Or vint le jour que ces seigneurs d’Alemaigne dessus nommés furent consillié. Si renvoièrent, dedens le jour que en convent avoient, devers le roy Englès ; et lui mandèrent que ils estoient tout prest, eulx et leurs gens, mais qu’il fesist le duc Jehan de Brabant, qui froidement s’en apparilloit, mouvoir, lequel le devoit encores mieulx faire que eulx, quant si prochain lui estoit, ou aultrement ne se mouveroient. Et quant le roy Englès oy ces nouvelles, si fu plus pensieux que devant. Si se consilla à monseigneur Robert d’Artois et au conte Derby. Si lui conseillèrent que il mandast le duc de Brabant et lui remonstrast toutes ces besongnes. Adont fu mandés ; si y ala. Et quant il fu là venus, le roy lui remonstra le mandement des Almans, et que tout estoit en lui d’avoir son ayuwe ou non ; pour quoy il lui prioit que par lui ses fais ne fust ariérés, considéré ce que en convent lui avoit, et qu’il y estoit tenus par lingnage. Adont dist le duc qu’il s’en conseilleroît ; et quant conseillié fu, il dist au roy : « Sire, je n’ay mie conseil que, ainchois que je vous en aye plus avant en convent, je feray ainchois reparler à ces seigneurs d’Alemaigne ; et adont je vous feray response finable. » Quant le roy vit qu’il n’en pooit aultre avoir, si lui accorda ; et fist mandement et prière à eulx qu’ils volsissent estre au jour Nostre Damme my aoust à Diest, à l’encontre de lui et du duc de Brabant. Adont retournèrent messagier par de là ; et fu ce parlement assis à Diest, à ce jour Nostre Damme, l’an mil trois cent trente huit.

CHAPITRE CXXXV.

Quant tous ces seigneurs furent assamblés, ils conseillièrent longhement ; car la besongne leur touchoit durement. Quant ils furent tous conseilliés, ils dirent au roy tout d’un accort : « Chier seigneur, vostre besongne nous est moult pesans ; car nous ne véons mie que nous aions nulle cause de desfier le roy de France pour vostre cause, se vous ne pourcachiez ainchois l’acord de l’empereur qui le nous commande de par luy ; et il ara bien cause et raison du faire. Si vous dirons comment. Vray est que le roy de France, quiconques le soit, a juré et sajellé qu’il ne peut ne doit tenir ne acquerre riens sur l’Empire ; et ce roy Phelippe qui ores règne a fait le contraire, car il a acquis le chastel de Criève-Coer et celui d’Arleux en Paluiel, et pluiseurs hiretages en Cambrésis, que faire ne doit. Pourquoy l’empereur, mais qu’il

  1. Dans l’année 1368, postérieure au voyage de Froissart et à la présentation de ce manuscrit, ce qui montre que celle copie a dû être altérée.