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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/466

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RÉDACTION PRIMITIVE

en soit infourmés, a cause de lui desfier, et le faire par nous faire qui sumes ses subgès. Si vous prions que vous pourcachiés, adfin que vous aiez son acort, pour vostre honneur et le nostre ; et nous aussi y metterons paine à nostre pooir. » Et quant le roy Englès oy ces responses, si fu tous confus ; car adont il cuidoit avoir responsce finable, et il vit que c’estoit grans alongemens, dont moult lui annuyoit s’il l’euist peu amender. Si leur dist : « Certes, seigneurs, se plus tost on m’euist ceste raison monstrée, je m’en fuisse de piéchà avanchiés. Et je vous prie que vous m’y aidiés à conseiller, qui véez que je sui de chà la mer en estraingne pays, et si ay longhement séjourné à grans frais et n’ay riens fait. » Dont ils furent tous d’acord que, pour esploitier ceste besoingne, le marquis de Jullers yroit parler à l’empereur, et y menroit des chevaliers et des clers le roy d’Engleterre, et du conseil le duc de Gherles ; et feroient la besongne au mieulx qu’ils poroient. Si se mirent au chemin le plus hastivement qu’ils peurent. Adont présenta le duc de Brabant au roy d’Engleterre le chastel de Louvaing, pour lui et la roynne demourer ens, tout l’iver ensieuwant, se tant estoit ou pays.

CHAPITRE CXXXVI.

Or s’en alèrent le marquis de Jullers et les autres seigneurs devers l’empereur qu’il trouvèrent à Norenberch. Là lui contèrent tout ce pour quoy il estoient là venus ; et l’empereur qui moult estoit amy au roy Englès les rechupt à grant joie et leur accorda toutes leurs requestes, et les retint da-lez lui grant terme. Et entreus manda-il ses esliseurs de l’Empire et ses plus haulx barons : tel que le duc de Sasongne, le marquis de Brandebourch, le marquis de Misse et d’Eurient, l’arcévesque de Coulongne, l’arcévesque de Trièves, l’arcévesque de Maïence. Encore manda-il le duc de Guerles et le duc de Brabant, lesquels s’escusèrent par le sire de Cuk qui y ala.

CHAPITRE CXXXVII.

En l’an dessus dit (1338), le samedi devant le Nostre-Dame en septembre, comme empereur de Romme, Loys de Baivière, en cel jour assis en Convelence en siége impérial, sur ung escafaut de douze piés de hault, vestis de drap de soie cangant, par dessus ses draps d’un daumatique, en ses bras phanous, et estolle devant croisie, à manière de prestre, tout estoffé des armes de l’Empire ; et avoit ses piés d’otel drap comme le corps ; et avoit son chief atourné de mitre réonde ; et sur celle mitre il avoit couronné d’or moult riche ; en ses mains avoit deux blancs wans de soie, et en ses dois aneaux moult riches. Si tenoit en sa main destre une pomme d’or, une crois vermeille dessus. En l’autre main tenoit-il le septre. Da-lez l’empereur, à destre, séoit les marquis de Misse, auquel l’empereur bailla à tenir la pomme d’or ; et assez près séoit le roy d’Engleterre vestis d’un drap vermeil d’esquerlatte, à ung chastel de broudure en la poitrine ; et au senestre de l’empereur séoit le marquis de Jullers, à qui l’empereur bailla à tenir le septre ; et environ deux degrés plus bas de l’empereur séoient li esliseur, et deseur de l’empereur séoit le sire de Cuk, ou lieu du duc de Brabant, en présence de tous, en sa main une espée toute nue.

CHAPITRE CXXXVIII.

Donc parla l’empereur ensi : « Je demande à vous se ung roy d’Alemaingne esleus et promeus à empereur, peut amenistrer aucuns des biens de l’Empire sans la confirmacion du pappe. » Ce jugement fu tournés sur l’arcévesque de Coulongne. Lui conseillié de ses pers dist par jugement, que oyl. La seconde demande fu : « Se ung fievé d’Alemaingne fourfaisoit en l’Empire en amenrissant l’Empire, à quelle amende il doit estre. » Ce jugement fu tournés sur le duc de Sasongne. Lui conseillié respondi, que celui estoit en le volenté de l’empereur de corps et d’avoir. Le tierce demande si fu que : « Se robeurs estoient sur chemins d’Alemaingne, à quelle amende et à quelle penance il doivent estre. » Ce jugement fu tournés sur l’arcévesque de Trièves. Lui conseillié dist, qu’ils estoient à le volenté de l’empereur, de corps et d’avoir, et tous ceulx qui les soustenoient. Le quarte demande : « Comment tous ceulx qui tenoient de l’Empire le devoient servir. » Ce jugement fu tournés sur l’arcévesque de Maïence. Lui conseilliet de ses pers dist, que tous les hommes de l’Empire doivent servir l’empereur de leur corps et de leurs