Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/468

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
462
RÉDACTION PRIMITIVE

autre fois wardaissent mieulx leur porte, il fist bouter le feu en la grant rue, qui porta à ceulx de dedens grant contraire et dommage ; puis s’en revint arière repasser à le Hayne ; et chevaucha en Cambrésis leur ils ne s’i doubtoient rien. Si supposoit l’évesque que le roy de France feroit le premier fait ; si n’estoit de rien effraés. Or chevauchoit le seigneur de Maugny, à l’entente que pour faire aucune envaye ; car il savoit bien que le pays de Cambrésis seroit annemy à eulx. Touttes fois il s’avisa qu’il feroit desfier l’évesque, adfin qu’il ne fust reprochiés de villenie. De laquelle chose l’évesque ne fist mie grant conte, car il ne cuidoit point qu’il fust si près de lui ; puis chevaucha le sieur de Maugny à couverte deseur Valenchiennes, et passa d’encoste Boucain, sans mot dire. Si passa l’Escault bien matin, et vint si à point devant le chastel de Thun, que d’aventure il vint sur le pont et waigna le porte ; s’entra au chastel, et prist le chastelain dedens. Si saisy le forteresse et y mist compaignons pour le garder, et en fist souverain messire Willame de Maugny que on dist Grignart, qui puis porta maint contraire à ceulx de Cambray, car le chastel est à une lieuwe près. Après ce se retourna en Brabant devers son roy. Si lui conta ses aventures de Mortaigne et du chastel de Thun, dont l’évesque estoit moult courrouchiés ; lequel le manda au roy de France pour y remédier, qui fu moult courouchiés de cele male aventure.

CHAPITRE CXLIII.

Or dirons du roy David d’Escoce et de son conseil, sur lequel pays avoit raquis le roy Englès pluiseurs villes et fors et fait moult de dommage. Si s’avisèrent que le roy Englès avoit le guerre au roy de France. Si pensèrent qu’il yroient en France et qu’il s’alieroient à luy pour mieulx guerrier les Englès. Si montèrent sur l’eauwe, le roy d’Escoce, le conte de Mouret, messire Willame de Douglas, messire Robert de Versy et plusieurs seigneurs. Si s’en vinrent à l’Escluse en Flandres, mais point ne se nommèrent ; ains disoient qu’ils estoient pélerins de Saint-Jacque, et marchans de Vorneghe, et ainsi passèrent. Quant ils furent rafresquit, ils remontèrent pour venir à Boulogne ou à Calais, puis montèrent à cheval, et esploitèrent tant qu’ils vinrent à Paris. Là trouvèrent le roy de France et grant plenté de barons qui là estoient à ung parlement. Dont fu le roy Phelippe lies quant il vit le roy d’Escoce, et lui fist moult grant feste. Après ce, ils parlementèrent ensamble, et en peu de temps furent moult accointé l’ung de l’autre. Si lui vint bien à point, quant il vit qu’il avoit l’ayde des Escos pour guerroier vers Engleterre ; car il pensoit bien que le roy Englès enterroit temprenant par aucuns lez en son royalme, et qu’il avoit grant aliance en l’Empire. Et là, présent ducs et contes, furent si d’accors les deux roys, que le roy de France délivra au roy d’Escoce or et argent et forteresses sur marches ; et parmy tant eut le roy d’Escoce en convent, que nulles paix ne trieuwes ne prenderoit au roy d’Engleterre, sans le gré du roy de France ; et le retint le roy de France à ses draps et son compaignon. Et ainsi fist la roynne de France la roynne d’Escoce, qui estoit seur germaine au roy d’Engleterre ; et leur fist le roy délivrer tout ce que besoing leur estoit. Dont fu renvoiés messire Robert de Versy en Escoce, qui reporta les aliances des deux roys. Dont les seigneurs et tout le pays fu moult lies. Dont recommencèrent plus fort que devant à faire guerre aux Englès. Et quant le roy Englès sceut tout ce, si renvoia l’évesque de Durem, le seigneur de Lussy et le seigneur de Moubray, et leur querqua qu’il desissent au conte de Salseberich, au seigneur de Persy, au seigneur de Neufville, au seigneur de Griscoppe, et à messire Édouwart de Bailleul, capitaine de Ewruich, que ils entendissent songneusement à garder les frontières contre les Escos et le pays conquis. Ces seigneurs furent en Engleterre, et firent leur message comme le roy l’avoit chargié. Or revenons au roy Englès et aux parlemens de Brabant.

CHAPITRE CXLIV.

Quant le roy d’Engleterre et les autres seigneurs à lui aliés furent revenus du parlement l’empereur, le roy se traist à Louvaing au chastel, et y fist venir la roynne et tout son hostel ; et ung peu après, par l’accort de tous ces seigneurs, fu accordés ung parlement à estre le roy d’Engleterre et tous les autres seigneurs dessus nommés à Horles en la conté de Los ; car le duc de Brabant ne volt oncques consentir qu’il se fesist