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DE SIRE JEAN FROISSART.

« Pour seignour, et c’en est li uns.
« Et l’autre, si m’est moult communs,
« C’est le bon seignour de Couci
« Qui m’a souvent le poing fouci
« De beaus florins à rouge escaille ;
« C’est raisons que de li me caille.
« Et Beraut, le conte Daufins
« D’Auvergne, qui tant parest fins,
« Amoureus et chevalereus,
« Il n’est felenès ne ireus,
« Mès enclins à tous bons usages
« Secrès, discrès, loyaus et sages,
« Acointables à toutes gens,
« En ses maintiens friches et gens.
« Et son fil le duc de Bourbon,
« Loys, ai-je trouvé moult bon.
« Pluisours dons m’ont donné li doi.
« Aussi recommender je doi
« Charle le noble roy de France.
« Grans biens me fist en mon enfance.
« Le duc et la ducoise aussi
« De Braibant, moult je regrasci.
« Car il m’ont tout dis esté tel
« Que euls, le leur et leur hostel
« Ai je trouvé large et courtois.
« Nullui ne congnois en Artois,
« Mès en Haynau m’en revenrai,
« Et des segnours compte y tenrai
« Que g’i ai véus et servis
« Qui ne m’i voient pas envis.
« Le duc Aubert premièrement
« M’a à toute heure liement
« Recoeillié, que vers li aloie
« Et grandement mieuls en valoie ;
« Et aussi mes seignours de Blois
« Loys, Jehan, et Gui ; des trois
« Moult acointés jà un temps fui,
« Et espécialment de Gui,
« Et encor le sui tous les jours ;
« Car dalès lui gist mes sejours,
« C’est le bon seignour de Beaumont
« Qui m’amonneste et me semont.
« Ce vous ai-je bien en convent,
« Que véoir le voise souvent ;
« Et le senescal, Diex li vaille !
« Car c’est un seignour de grant vaille
« Et qui m’a donné volentiers ;
« Car, ensi com uns siens rentiers,
« Où qu’il me trouvast, ne quel part,
« J’avoie sus le sien ma part.
« Et le seignour de Moriaumés
« De qui je sui assés amés.
« Encor en y a qui vendront
« Et qui mi mestre devendront,
« Car il sont jone et à venir.
« Se m’en pora bien souvenir
« Quant je ferai un aultre livre.
« Mès tous ceuls qu’à présent vous livre
« M’ont largement donné et fait.
« Si les recommende et de fait
« Ensi qu’on doit, et sans fourfaire,
« Ses mestres et ses seignours faire.
« Amé, le conte de Savoie,
« Je ne sçai se nommé l’avoie,
« Mès à Milans, en Lombardie,
« Une bonne cote hardie
« Me donna de vingt florins d’or ;
« Il m’en souvient moult bien encor,
« Pour un tant que moult me valirent ;
« Car oncques cil ne me fallirent
« Jusqu’à tant que je vinc à Romme.
« Et c’est raisons que je renomme
« De Cippre le noble roy père,
« Et que de ses bienfais me père.
« Premiers, à Boulongne-la-Grasce,
« D’Esconflan monseignour Eustasce
« Trouvai, et cils me dist dou roy
« Dessus dit l’afaire et l’arroi ;
« Le quel me reçut à ce tamps.
« Com cils qui moult estoit sentans
« D’onnour et d’amour grant partie
« Liement en celle partie ;
« Et me delivra à Ferrare
« Sire Tiercelés de la Bare,
« À son commant, lance sus faultre,
« Quarante ducas l’un sur l’aultre.
« Haro ! que fai ? je me bescoce ;
« J’ai oublié le roy d’Escoce,
« Et le bon conte de Duglas
« Avec qui j’ai mené grant glas.
« Bel me reçurent en leur marce
« Cils de Mare et cils de la Marce,
« Cils de Surlant et cils de Fi ;
« Ségurement le vous affi.
« Je n’en sui mies si hays,
« Que, se je raloie ou pays,
« Je ne fuisse li bien venus ;
« Mès je serai lors tous chenus,
« Foibles, impotens, mas et sombres.
« Mon temps s’enfuit ensi qu’uns ombres.
« Vis m’est, de quanque j’ai esté
« Que j’aie noient arresté,
« Ensi que dist ens ou psautier
« David ; je li lisi l’autr’ier ;
« Si le retins pour valoir mieuls :
« Homs qui vis vois devant les yeus
« Mille ans amoncelés ensamble.
« C’est le jour d’ier ; il le me samble.
« Si vous suppli, très chière dame,
« Laissiés moi dont penser pour l’ame.