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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/9

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LIVRE IV.

cour du roi David d’Escosse, la connoissance de la greigneur partie des barons et chevaliers. Il me répondit et dit : « L’Évêque de Bredanne[1] y a été, messire Jakemes et messire David de Lindesée[2] et messire Gautier de Saint-Clar[3]. » Je mis tout en retenance, et puis entendis à écrire et registrer tout ce que je vis et ouïs dire de vérité que avenu étoit à la fête, à l’entrée et venue à Paris de la roine Isabel de France dont l’ordonnance ainsi s’ensuit.

Le dimanche vingtième jour du mois d’août[4], qui fut en l’an de grâce Notre Seigneur mil trois cents quatre vingt et neuf, avoit tant de peuple dedans Paris et dehors que merveilles étoit du voir ; et ce dimanche, à heure de relevée fut l’assemblée faite en la ville de Saint-Denis des hautes et nobles dames de France qui la roine devoient accompagner, et des seigneurs qui les litières de la roine et des dames devoient adextrer. Et étoient des bourgeois de Paris douze cents, tous à cheval et sur les champs, rangés d’une part du chemin et de l’autre part, parés et vêtus tous d’un parement de gonnes de baudequin[5] vert et vermeil. Et entra la roine Jeanne, et sa fille la duchesse d’Orléans, premièrement en Paris, ainsi que une heure après nonne, en litière couverte, bien accompagnées de seigneurs ; et passèrent parmi la grand’rue Saint-Denis, et vinrent au palais ; et là les attendoit le roi. Et pour ce jour ces deux dames n’allèrent plus avant.

Or se mirent la roine de France et les autres dames au chemin ; la duchesse de Berry, la duchesse de Bourgogne, la duchesse de Touraine, la duchesse de Bar, la comtesse de Nevers, la dame de Coucy, et toutes les dames et damoiselles, et par ordonnance ; et avoient toutes leurs litières pareilles si richement aournées que rien n’y failloit. Mais la duchesse de Touraine n’avoit point de litière, pour li différer des autres, ains étoit sur un palefroy très richement aourné ; et chevauchoit d’un lez et tout le pas, et n’alloient les chevaux qui les litières menoient, et les seigneurs qui les adextroient, que le petit pas.

La litière de la roine de France étoit adextrée du duc de Touraine et du duc de Bourbon au premier chef ; et étoient eux six seigneurs qui tenoient à la litière de la roine de France. Je vous ai nommé les premiers. Secondement et au milieu tenoient et adextroient la litière, le duc de Berry et le duc de Bourgogne ; et à la litière derrière, messire Pierre de Navarre et le comte d’Ostrevant. Et je vous dis que la litière de la roine étoit très riche et bien aournée et toute descouverte.

Après venoit, sur un palefroi très bien et richement paré et aourné et sans litière, la duchesse de Berry ; et étoit adextrée et menée du comte de la Marche et du comte de Nevers ; et alloient tout souef le pas, et aussi faisoient ceux qui conduisoient les litières.

Après venoient, en litière toute découverte, madame de Bourgogne et Marguerite de Hainaut comtesse de Nevers, sa fille ; et étoit la litière menée et adextrée de messire Henry de Bar et du comte de Namur le jeune, nommé messire Guillaume.

Après venoit, en litière toute découverte, derrière, madame d’Orléans. Car encore étoit la duchesse d’Orléans sur un palefroi très bien et richement paré devant la duchesse de Bar et sa fille, fille au seigneur de Coucy ; et menoient ma dite dame d’Orléans messire Jaquemes de Bourbon et messire Philippe d’Artois.

Après venoient les autres dames dessus nommées, la duchesse de Bar et sa fille ; et étoient adextrées de messire Charles de la Breth et du seigneur de Coucy.

Des autres dames et damoiselles qui venoient derrière, sur chars couverts et sur palefrois, n’est-il nulle mention, et des chevaliers qui les suivoient. Et vous dis que sergens d’armes et officiers du roi étoient tous embesognés à faire voie et rompre la presse et les gens. Tant y avoit grand peuple sur les rues que il sembloit que tout le monde fût là mandé.

À la première porte de Saint-Denis, ainsi que on entre dedans Paris, et que on dit à la Bastide, y avoit un ciel tout estellé, et dedans ce ciel jeunes enfans appareillés et mis en ordonnance d’anges, lesquels enfans chantoient moult mélodieusement et doucement. Et avec tout ce

  1. L’évêque d’Aberdeen.
  2. James et David de Lindsay.
  3. Le plus beau manuscrit de Froissart de la Bibliothèque du Musée britannique, donne au lieu de ces noms ceux d’Archibald et de Guillaume de Lindsay et de Jean de Saint-Clair, Les actes rapportés par Rymer ne font mention que du cardinal de Glasgow et de l’évêque de Dumbar.
  4. Les registres du parlement disent le 22 août.
  5. Drap fait de fils d’or et de soie.