Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« On se porte bien à Nièvres ? » me dit-il froidement.

Pour prévenir le moindre soupçon, je lui tendis la lettre ; mais il affecta de ne point la lire, et comme s’il eût décidé que le moment était venu de me parler raison et de débrider largement une plaie qui languissait sans résultat :

« Ah çà ! me dit-il, où en es-tu ? Depuis six mois, tu veilles, tu te morfonds ; tu mènes une vie de séminariste qui a fait des vœux, de bénédictin qui prend des bains de science pour calmer la chair ; où cela t’a-t-il mené ?

— À rien, lui dis-je.

— Tant pis, car toute déception prouve au moins une chose : c’est qu’on s’est trompé sur les moyens de réussir. Tu t’es imaginé que la solitude, quand on doute de soi, est le meilleur des conseillers. Qu’en penses-tu aujourd’hui ? Quel conseil t’a-t-elle donné, quel avis qui te serve, quelle leçon de conduite ?

— De me taire toujours, lui dis-je avec désespoir.

— Si telle est la conclusion, je t’engage alors à changer de système. Si tu attends tout de toi, si tu as assez d’orgueil pour supposer que tu viendras à bout d’une situation qui en a découragé de