Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/349

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vint droit à moi et jeta un cri. C’était Madeleine.

Elle resta pétrifiée de surprise, et je lui pris la main sans trouver la force d’articuler une seule parole. Le peu de jour qui venait du dehors lui donnait la blancheur inanimée d’une statue ; ses doigts, tout à fait inertes et glacés, se détachaient insensiblement de mon étreinte comme la main d’une morte. Je la vis chanceler ; mais au geste que je fis pour la soutenir, elle se dégagea par un mouvement d’inconcevable terreur, ouvrit démesurément des yeux égarés, et me dit : « Dominique !… » comme si elle se réveillait et me reconnaissait après deux années d’un mauvais sommeil ; puis elle fit quelques pas vers l’escalier, m’entraînant avec elle et n’ayant plus ni conscience ni idée. Nous montâmes ensemble côte à côte, nous tenant toujours par la main. Arrivée dans l’antichambre du premier étage, une lueur de présence d’esprit lui revint :

« Entrez ici, me dit-elle, je vais prévenir mon père. »

Je l’entendis appeler son père et se diriger vers la chambre de Julie.

Le premier mot de M. d’Orsel fut celui-ci :

« Mon cher fils, j’ai beaucoup de chagrin. »