Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Madeleine, lui dis-je en me ruant sur elle et lui prenant le bras, cessez ce jeu cruel ; arrêtez-vous, ou je me fais tuer ! »

Elle me répondit seulement par un regard direct qui m’empourpra le visage, et reprit plus posément l’allée du château. Nous revînmes au pas, sans échanger une parole, nos chevaux marchant côte à côte, se frôlant des mâchoires et se couvrant mutuellement d’écume. Elle descendit à la grille, traversa la cour à pied tout en fouettant le sable avec sa cravache, monta droit à sa chambre et ne reparut que le soir.

À huit heures, on nous remit le courrier. Il y avait une lettre de M. de Nièvres. Madeleine, en la décachetant, changea de couleur.

« M. de Nièvres va bien, dit-elle ; il ne reviendra pas avant le mois prochain. »

Puis elle se plaignit d’une grande fatigue et se retira.

Il en fut de cette nuit comme des précédentes : je la passai debout et sans sommeil. Le billet de M. de Nièvres, tout insignifiant qu’il fût, intervenait entre nous comme une revendication de mille choses oubliées. Il eût écrit ce seul mot : « Je suis vivant, » que l’avertissement n’eût pas été plus clair. Je résolus de quitter Nièvres le lendemain,