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l’homme à l’hispano

timbre qui sonnait dans la gare, en appelant je ne sais quoi… Toutes les sensations de l’extérieur m’entraient à vif… Sur une voie de garage, des beuglements de bétail, des chasseurs chargés de bêtes mortes devant une salle d’attente, des cages étagées qui renfermaient des poules prisonnières. Je ne pensais rien et en même temps je voyais tout. Après quelques minutes affreuses, je suis sorti de la gare et je me suis mis en marche dans la direction d’Orléans. J’allais, d’instinct, du côté où le train l’avait emportée. Le ciel s’était éclairci. La lune chancelait sur la route glacée et je marchais comme un homme ivre, Et puis la pluie a recommencé et je suis entré dans un hôtel, un hôtel triste, un bouge à rouliers, Là, j’ai passé la nuit… On m’a donné une bougie, on m’a conduit dans une chambre infecte. Alors j’ai été chez moi, vraiment chez moi, dans ma misère. J’avais la sensation que le patron du garni se méfiait, qu’il me guettait par la serrure et que je donnais l’impression de fuir après un mauvais coup… Mais ça m’était égal… Et puis j’ai ouvert mon portefeuille…

Il racontait cela d’une voix sourde, sans intonation, de la voix d’un homme que tout frappe, qui est à bout et nu.

Je crois que j’ai dormi une demi-heure. Le réveil, quand on est dans la douleur, voilà le terrible On reste, une seconde ou deux, hébété, et puis on recommence à savoir. Imaginez-vous