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Page:Fusil - Souvenirs d’une actrice, Tome 2, 1841.djvu/217

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souvenirs d’une actrice.

apporter un bol de grog, dont il faisait un assez fréquent usage (sans se griser, cependant), et il relevait ses manches. Alors ce n’était plus l’homme paresseux, c’était l’artiste, le compositeur inspiré ; il écrivait, et jetait ses feuillets au vent, comme la sybille ses oracles, et ses amis les recueillaient et les mettaient en ordre. Il fallait être habile pour déchiffrer ce qu’il notait ; car ce n’étaient que des traits à peine formés, mais ils en avaient l’habitude. À mesure qu’il avançait dans son œuvre, son génie s’échauffait à un tel point que ses copistes n’avaient presque plus la force de le suivre. Il essayait ensuite ce qu’il venait de jeter sur le papier, et c’était admirable, surtout exécuté par lui. Un piano n’était pas un instrument ordinaire sous ses doigts. À trois ou quatre heures du matin, il tombait enfin épuisé sur son divan, et s’endormait. Pendant ce temps, on achevait de mettre les parties au net. Le lendemain matin, à son réveil, il prenait plusieurs tasses de café, et travaillait de nouveau. Il ne fallait pas alors s’aviser de lui parler, fût-ce pour la chose la plus urgente. Ses amis, qui étaient tous des gens de