Page:Fusil - Souvenirs d’une actrice, Tome 2, 1841.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
278
souvenirs d’une actrice.

ils pas les vôtres. Je ne veux pas hasarder les miens ; car, si nous étions obligés de sauver nos effets, ils nous seraient d’un grand secours. » Il semblait qu’il prophétisait.

Dans l’après-midi je pris le droschki (voiture russe) d’un de ces messieurs, et j’allai dans la ville. Toutes les maisons étaient remplies de militaires, et dans la mienne, il y avait deux capitaines de gendarmerie de la garde ; tout était sens dessus dessous. Ce désordre, me dirent-ils, avait eu lieu avant leur arrivée. On n’avait trouvé dans la maison que des domestiques russes, et comme on ne les comprenait pas, on avait pensé que cet hôtel était abandonné. Ils m’engagèrent beaucoup à reprendre mon appartement, m’assurant que je n’avais plus rien à craindre. J’en étais fort peu tentée, car le feu qui était dans le voisinage pouvait à chaque instant gagner la maison. Je revins chez mes amis à la lueur des maisons incendiées. Le vent soufflant avec violence, le feu gagnait avec une effrayante rapidité : il semblait que tout fût d’accord pour brûler cette malheureuse ville. L’automne est superbe en Russie, et nous n’é-