M. Champcenetz avait un esprit de critique d’autant plus désespérant qu’il frappait souvent juste ; il ne ménageait personne : aussi était-il fort peu aimé des artistes. Ses mots passaient de bouche en bouche, de salon en salon, et gagnaient toutes les classes. Comme ils étaient méchants, ils ne s’oubliaient jamais ; ils étaient souvent de mauvais goût, comme celui-ci, par exemple :
Une demoiselle Dufay débutait à l’Opéra-Comique (alors Favart) ; elle avait choisi le rôle de Lucette, dans l’opéra de la Fausse Magie, pour le morceau de chant qui commence le second acte :
Comme un éclair, la flatteuse espérance…
Ce qui a fait donner à cet air, le nom de l’Éclair. M. de Champcenetz était à la porte du balcon, appuyé contre une colonne ; il écoutait en bâillant, lorsque M. de Narbonne qui s’intéressait à ce début, arrive tout essoufflé et dit à M. de Champcenetz :
— Mademoiselle Dufay a-t-elle chanté, comme un éclair ?
— Non, mon cher, comme un cochon.