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souvenirs d’une actrice.

reusement cela n’arriva pas. Plusieurs personnes vinrent chez moi, le jour de mon arrivée, et surtout plusieurs officiers du régiment du colonel. Tout le monde me demanda si je l’avais vu et si j’avais entendu parler de quelque chose. Je répondis que non, avec cet air de vérité qui persuade. Je me gardai bien de laisser rien soupçonner, même aux personnes qui pouvaient y prendre le plus d’intérêt, une indiscrétion aurait pu me perdre. Je quittai Lille peu de temps après, car les choses devenaient de plus en plus sérieuses. Je n’y étais plus, grâce au ciel, lorsque cet excellent monsieur de Dillon fut massacré. Il aurait bien pu m’arriver malheur aussi, car je ne cessais de faire des imprudences[1]. »

  1. Lors de la rentré de Louis XVIII, je lus dans les journaux que le comte de Vergnette avait remis à sa majesté l’oriflamme de Charles-Martel, qu’il avait eu le bonheur de sauver au péril de sa vie. En vérité j’y étais bien pour quelque chose. Ce que je viens de raconter était un épisode qui devait faire partie de la relation que je publiai peu de temps après sous le titre d’Incendie de Moscou. Je le retranchai dans la crainte qu’on ne crût que je voulais en tirer vanité. Tous mes amis m’en ont blâmée, mais j’aurais craint dans ce moment de distraire l’intérêt que devait inspirer un vieillard, un brave militaire qui avait dû courir bien d’autres dangers dans l’émigration, et qui n’aurait pu parvenir (même aux dépens de sa vie), à sauver seul l’oriflamme, puisqu’en frappant le colonel il eût été repris.