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souvenirs d’une actrice.

pour moi ! Le couvent où j’avais passé plusieurs années, ma famille, la campagne de mon grand-père, la maison du comte Darros et quelques bals d’hiver, je ne pensais pas qu’il y eût rien de plus sur la terre ! Que l’on juge de mon inexpérience et de mon étonnement à chaque chose nouvelle qui s’offrait à moi ; je n’avais guère lu en fait de voyages que Robinson Crusoë, et en fait de romans (car on ne me permettait pas d’en lire) que celui de Marianne de Marivaux. J’avais bien entendu parler de voitures publiques, mais sans y faire attention ; aussi n’en avais-je nulle idée. Il y a un âge où le monde passe devant nous sans que nous le regardions.

J’étais montée en diligence à dix heures du soir, au mois de décembre, après avoir pleuré toute la journée et j’en avais encore les yeux et le cœur gros. Une personne âgée m’accompagnait et devait me remettre entre les mains de madame de Nanteuil, femme de l’administrateur des diligences. Lorsque le jour commença à paraître, j’examinai les personnes qui m’entouraient ; la vieille dame était à côté de moi dans le fond, des messieurs dormaient vis-à-vis,