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souvenirs d’une actrice.

et au coin, en face de moi, quelque chose que je voyais, me parut une bête sauvage, car je n’apercevais que du poil de la tête aux pieds. Je m’étonnais, à part moi, qu’on emballât de tels animaux dans une voiture publique, lorsque je lui vis relever une espèce de figure qui m’effraya beaucoup. Je reculai comme s’il m’eût été possible d’enfoncer la voiture, et ma physionomie devait avoir une singulière expression, car un jeune officier qui était de l’autre côté se mit à éclater de rire. Tout le monde s’éveilla et j’appris que l’objet de ma frayeur était un juif polonais, dont le witchoura retourné du côté du poil, le long bonnet fourré et la barbe tombant sur sa poitrine, étaient assez capables de le faire prendre pour une bête féroce : aussi le nom lui en resta-t-il tout le temps du voyage. On nous appela la Belle et la Bête. Il ne se doutait nullement des quolibets qu’on lui adressait, car il n’entendait pas le français, et le camarade qui lui servait d’interprète ne s’occupa guère, je crois, de les lui traduire.

Voilà donc ma première entrée dans ce monde nouveau pour moi, M. et madame de Nanteuil me