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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

vieilles institutions, de vouloir en garder au moins les dehors.

Au fond, tout était changé. Ni les institutions, ni le droit, ni les croyances, ni les mœurs ne furent dans cette nouvelle période ce qu’ils avaient été dans la précédente. L’ancien régime disparut, entraînant avec lui les règles rigoureuses qu’il avait établies en toutes choses ; un régime nouveau fut fondé, et la vie humaine changea de face.

La religion avait été pendant de longs siècles l’unique principe de gouvernement. Il fallait trouver un autre principe qui fût capable de la remplacer et qui pût, comme elle, régir les sociétés en les mettant autant que possible à l’abri des fluctuations et des conflits. Le principe sur lequel le gouvernement des cités se fonda désormais, fut l’intérêt public.

Il faut observer ce dogme nouveau qui fit alors son apparition dans l’esprit des hommes et dans l’histoire. Auparavant, la règle supérieure d’où dérivait l’ordre social, n’était pas l’intérêt, c’était la religion. Le devoir d’accomplir les rites du culte avait été le lien social. De cette nécessité religieuse avait découlé, pour les uns le droit de commander, pour les autres l’obligation d’obéir ; de là étaient venues les règles de la justice et de la procédure, celles des délibérations publiques, celles de la guerre. Les cités ne s’étaient pas demandé si les institutions qu’elles se donnaient, étaient utiles ; ces institutions s’étaient fondées, parce que la religion l’avait ainsi voulu. L’intérêt ni la convenance n’avaient contribué à les établir ; et si la classe sacerdotale avait combattu pour les défendre, ce n’était pas au nom de l’intérêt public, mais au nom de la tradition religieuse.