Page:Géhin - Gérardmer à travers les âges.djvu/327

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ne pourras en tuer qu’un, deux tout au plus ; laisse-moi faire, je les tuerai tous. Pendant que tu enterreras ma mère et mes trois enfants, je les vengerai.

Elle récolta, dans un panier, des légumes échappés au pillage, y joignit des racines d’aconit qu’elle alla cueillir dans les ravins du voisinage, et, se dirigeant vers le campement des Cosaques, elle fit si bien que, tout en simulant une grande peur, elle fut arrêtée par eux et conduite au poste, ou ils avaient allumé un grand feu et où on préparait à manger.

Feignant une résignation parfaite à son sort de prisonnière, elle s’offrit comme cuisinière et versa dans la marmite ses légumes.

Après quelques heures de cuisson, elle servit elle-même la soupe aux soldats, et s’esquiva aussitôt. Le lendemain, au point du jour, elle conduisait son mari sur la montagne. Il y avait vingt-deux cadavres[1] raidis par la gelée et gisants sur le sol!

Avec les armes et les munitions de ces soldats, le charbonnier et sa femme, en embuscade dans la montagne, continuèrent à venger le meurtre commis par les Cosaques.

Avant la création de la route de la Schlucht, on montrait aux voyageurs un vieux sapin qu’il a fallu abattre, et qu’on appelait le livre du charbonnier. Chaque fois qu’il tuait un soldat ennemi, il avait soin d’entailler d’une large coche le tronc de cet arbre, et l’on en comptait soixante-seize!

Les Joueurs de Boules de Fachepremont[2]

Pendant les longues soirées d’hiver, les montagnards aiment à se réunir pour la veillée ; les hommes fument leurs

  1. Ils avaient été empoisonnés par le principe toxique renfermé dans la racine de l’aconit, qui est un poison violent (l’aconitine).
  2. Gérardmer-Saison, 12. Louis Dulac.