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Page:Gérard - Correspondance choisie de Gœthe et Schiller, 1877.djvu/35

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sommes parvenus, nous pourrons poursuivre avec plus de continuité le cours de nos travaux communs.

Je vous communiquerai avec joie tout ce qui me concerne, tout ce qui est en moi ; car je sens moi-même très-vivement que mon entreprise dépasse de beaucoup la mesure des forces humaines et leur durée terrestre, et je pourrai bien en déposer en vous une bonne part, non-seulement pour la conserver, mais encore pour la vivifier.

Vous verrez bientôt vous-même quels avantages je retirerai de l’intérêt que vous prenez à mes travaux ; une connaissance plus intime vous découvrira bien vite en moi une sorte d’obscurité et d’indécision, que je ne puis toujours dominer, malgré la conscience très-claire que j’en ai. De semblables dispositions se rencontrent souvent dans notre nature, et, à condition qu’ils ne soient pas trop tyranniques, nous nous laissons assez volontiers diriger par elles.

J’espère passer bientôt quelque temps auprès de vous ; nous aurons alors bien des choses à nous dire.

Ettersburg[1], le 27 août 1794.
Gœthe.

5.

Lettre de Schiller. Il compare son génie à celui de Gœthe.
Iéna, le 30 août 1794.

À mon retour de Weissenfels[2], où j’avais un rendez-vous avec mon ami Kœrner[3]de Dresde[4], j’ai reçu votre avant-der-

  1. Ettersburg, sur l’Ettersberg, résidence d’été du grand-duc, à une lieue et demie de Weimar.
  2. Weissenfels, petite ville de 12,000 âmes, dans la Saxe prussienne.
  3. Ch. Kœrner, l’un des amis les plus intimes et les plus fidèles de Schiller, qu’il ne faut pas confondre avec Th. Kœrner, le poëte lyrique de la guerre de l’indépendance allemande. Né à Leipzig, en 1756, et mort à Berlin en 1813, il exerça sur l’esprit de son ami une influence féconde, attestée par leur correspondance ; il s’est distingué comme critique et publiciste.
  4. Dresde, capitale du royaume de Saxe.