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Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/156

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à la vente. Julien, assis sur un tabouret, se reposait après chaque commission pour se préparer à en faire d’autres.

Du coin de l’œil il suivait, avec un vif intérêt, le petit tas de coutellerie et le paquet de dentelles qui représentaient leurs économies. Souvent, parmi les passants affairés de la grande ville, quelques-uns s’arrêtaient devant l’étalage, frappés du bon marché et de la belle qualité des objets, et aussi de l’air avenant des marchands. À mesure que le tas diminuait et que le paquet arrivait à sa fin, la figure de Julien s’épanouissait d’aise.

Un soir enfin, André vendit à une dame son dernier mètre de dentelle et à un collégien son dernier couteau. Les enfants comptèrent leur argent, qu’André avait mis soigneusement à part, et, à leur grande joie, ils virent qu’ils avaient 85 francs.

— 85 francs ! disait le petit Julien en frappant de joie dans ses mains. Quoi ! nous avons plus du double d’argent que nous n’avions en quittant Phalsbourg !

— C’est que, dit M. Gertal, ni les uns ni les autres nous n’avons perdu de temps ni regretté notre peine.

— C’est vrai, dit André, et vous nous avez donné l’exemple, monsieur Gertal.

— Voyez-vous, mes enfants, reprit le patron, quand on a sa vie à gagner et qu’on veut se tirer d’affaire, il n’y a qu’un moyen qui vaille : c’est d’être actif comme nous l’avons été tous. Regardez autour de nous, dans cette grande ville de Lyon, quelle activité il y a ! L’homme actif ne perd pas une minute, et à la fin de la journée il se trouve que chaque heure lui a produit quelque chose. Le négligent, au contraire, remet toujours la peine à un autre moment : il s’endort et s’oublie partout, aussi bien au lit qu’à table et à la conversation ; le jour arrive à sa fin, il n’a rien fait ; les mois et les années s’écoulent, la vieillesse vient, il en est encore au même point. C’est au moment où il ne peut plus travailler qu’il s’aperçoit, mais trop tard, de tout le temps qu’il a perdu. Pour vous, enfants, qui êtes jeunes, prenez dès à présent, pour ne la perdre jamais, la bonne habitude de l’activité et de la diligence.

— Oui certes, pensait le petit Julien, je veux être actif comme M. Gertal, qui trouve le temps de faire tant d’ouvrage dans un jour. Tous les marchands ne lui ressemblent pas.