Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/165

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ni de ville, ni rien ! André, voilà que j’ai de la peine à présent, d’être toujours en voyage.

Et Julien s’arrêta, car sa petite voix était tremblante comme celle d’un enfant qui a les larmes dans les yeux.

André le regarda doucement : — Du courage, mon Julien, lui dit-il. Tu sais bien que nous faisons la volonté de notre père, que nous faisons notre devoir, que nous voulons rejoindre notre oncle et rester Français, coûte que coûte. Marchons donc courageusement, et au lieu de nous plaindre, remercions Dieu au contraire de nous avoir rendu si douces les premières étapes de notre longue route. Combien chacun de nous serait plus à plaindre s’il était absolument seul au monde comme Jean-Joseph ! O mon petit Julien, puisque nous n’avons plus ni père ni mère, aimons-nous chaque jour davantage tous les deux, afin de ne pas sentir notre isolement.

— Oui, dit l’enfant en se jetant dans les bras d’André. Et puis, sans doute aussi le bon Dieu permettra que nous retrouvions notre oncle, et alors nous l’aimerons tant, quoique nous ne le connaissions point encore, qu’il faudra bien qu’il nous aime aussi, n’est-ce pas, André ?



LXVIII. — Les mûriers et les magnaneries du Dauphiné.


Que de richesses dues à un simple petit insecte ! Le ver à soie occupe et fait vivre des provinces entières de la France.


Pour achever de distraire Julien de ses pensées tristes, André lui fit remarquer le pays qu’ils parcouraient. Il faisait un beau soleil d’automne et les oiseaux chantaient encore comme au printemps, dans les arbres du chemin.

— Ne remarques-tu pas comme il fait chaud, dit André ; le soleil a bien plus de force dans ce pays-ci : c’est que nous approchons du midi. Vois, il y a encore des buissons de roses dans les jardins.

L’enfant, jusqu’alors plongé dans ses réflexions, avait marché sans rien observer de ce qui l’entourait. Il leva les yeux sur la route, et il remarqua à son tour que presque tous les arbres plantés dans la campagne avaient leurs feuilles arrachées, sauf un ou deux. Sur ceux-ci des jeunes gens étaient montés, qui cueillaient une à une les feuilles vertes et les déposaient précieusement dans un grand sac. Ils le refermaient ensuite et le remportaient sur leurs épaules.