Julien prit alors le parti de réfléchir tout seul à ce qu’il voyait, puis de lire dans son livre.
Il ouvrit le chapitre sur les grands hommes du Languedoc.
— Tiens, dit-il, voici justement qu’il s’agit du canal du Midi, où nous sommes à cette heure.
Et il commença l’histoire de Riquet.
I. RIQUET naquit au commencement du dix-septième siècle, à Béziers. L’idée qui le préoccupa pendant toute sa vie fut celle d’établir un canal entre l’Océan et la Méditerranée, et d’unir ainsi les deux mers. Mais, entre l’Océan et la Méditerranée, on rencontre une chaîne de montagne qui s’élève comme une haute muraille : les Cévennes ou Montagnes-Noires. Comment faire franchir cette chaîne de montagnes par un canal ? Tel était le problème que Riquet se posait depuis longtemps.
Un jour, dit-on, il était dans la montagne, sur le col de Naurouze qui sépare le versant de l’Océan et le versant de la Méditerranée. Là, regardant les plaines qui s’étendaient à sa droite et à sa gauche, il pensait encore à ses projets. Tout d’un coup un ruisseau qui coulait à ses pieds vers l’Océan, rencontrant un obstacle, se trouva refoulé en arrière et se mit à descendre du côté opposé, vers la Méditerranée. Cette vue frappa l’esprit de Riquet comme un trait de lumière. — Oh ! se dit-il, c’est ici la ligne de partage des eaux ; si je pouvais amener assez d’eau à cet endroit où je suis, je pourrais ainsi alimenter à la fois les deux côtés d’un canal allant par ici à l’Océan, et par là à la Méditerranée.
Alors Riquet se mit à l’œuvre. Il explora les montagnes de tous côtés, découvrit des sources qui coulaient sous les rochers, fit des plans de toute sorte et enfin trouva la quantité d’eau nécessaire pour alimenter le canal qu’il projetait.