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dans une île de l’Océanie, les débris de deux navires naufragés, des ferrures, des instruments, de la vaisselle, des canons roulés par les flots. Il retrouva la montre même de la Pérouse entre les mains des indigènes ; il interrogea ces derniers, qui lui répondirent qu’autrefois une tempête furieuse avait brisé deux navires, la nuit, sur les rochers de l’île. D’après les réponses embarrassées des sauvages qui firent ce récit, Dumont d’Urville soupçonna que la tempête n’avait peut-être pas fait périr tout l’équipage ; peut-être plusieurs naufragés et la Pérouse lui-même avaient-ils pu gagner l’île, mais là ils s’étaient trouvés chez des tribus barbares qui avaient dû leur faire subir de mauvais traitements.

D’Urville éleva, sur le rivage désert de l’île bordée d’écueils, un mausolée qui rappelle le souvenir du malheureux la Pérouse.



LXXXII. — Brusquerie et douceur. — Le patron du bateau «le Perpignan» et Julien.


Il n’est point de cœur que la douceur d’un enfant ne puisse gagner.


Pendant que Julien lisait attentivement dans son livre, le patron du Perpignan l’observait du coin de l’œil.

— Voilà un petit bonhomme qui jusqu’à présent n’est pas bien embarrassant, pensa-t-il. Quant à l’autre, il a l’air adroit de ses mains et intelligent, et il ne craint pas sa peine. Allons, cela ira mieux que je ne croyais.

Et comme il était brave homme au fond, il se repentit de la bourrade par laquelle il avait salué les enfants à leur arrivée. Il s’approcha de Julien et lui passant sa grosse main sur la joue : — Eh bien, dit-il, nous sommes donc savants, nous autres ? Qu’est-ce que nous lisons là ? Le conte du Petit-Poucet ou celui du Chaperon-Rouge ?

Julien releva la tête, et fixant sur le patron des yeux étonnés, qui étaient restés un peu tristes depuis sa maladie : — Des contes, fit-il, oh ! que non pas, patron ; ce sont de belles histoires, allez. Et même les images du livre aussi sont vraies. Tenez, voyez : cela, c’est le portrait de la Pérouse, un grand navigateur qui est né à Alby. Je crois que notre bateau ne passera pas à Alby, mais cela ne fait rien : je me rappellerai Alby à présent.

Le patron sourit.

— Alors, dit-il, tu vas être sage comme cela tout le temps du voyage, et apprendre comme si tu étais en classe ?

— Oui, patron, dit Julien doucement ; j’ai promis à André de ne pas trop vous embarrasser.

— Mais c’est très bien, cela ! Allons, faisons la paix.