Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/218

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Lorraine. La loi nous accorde encore pour cela neuf mois. Une fois en règle de ce côté, une fois notre titre de Français reconnu, nous songerons au reste.

— Oui, oui, mon oncle, s’écrièrent André et Julien d’une même voix, c’est ce que voulait notre père, c’est aussi ce que nous pensons.

— D’ailleurs, ajouta André, notre père nous a appris qu’avant toutes choses il faut se soumettre à la loi.

— Il avait raison, mes enfants ; même quand la loi est dure et pénible, c’est toujours la loi, et il faut l’observer. Seulement l’Alsace-Lorraine est loin et nos économies bien minces, car les six mille francs que j’avais placés sont perdus sans retour : c’était le fruit de vingt années de travail et de privations, et tout est à recommencer maintenant. Tâchons donc de faire notre voyage sans rien dépenser, mais au contraire en gagnant quelque chose, comme vous l’avez fait vous-mêmes depuis quatre mois. Vous savez que par métier je suis charpentier de navire. Eh bien, il y a au port de Bordeaux un vieil ami à moi, le pilote Guillaume, dont le vaisseau va partir bientôt pour Calais. Il m’a promis de prier le capitaine du navire de m’employer à son bord.

— Moi-même, dit André, j’y pourrai gagner quelque chose.

— Et moi ? demanda Julien.

— Nous débattrons par marché ton passage, et nous nous embarquerons tous les trois. C’est un de ces navires de grand cabotage nombreux à Bordeaux, qui ont l’habitude d’aller, en suivant les côtes, de Bordeaux jusqu’à Calais. Nous serons là-bas dans quelques semaines et avec un peu d’argent de gagné. Nous reprendrons de l’ouvrage sur les bateaux d’eau douce qui naviguent sans cesse de Calais en Lorraine, et nous arriverons ainsi sans qu’il nous en ait rien coûté.

— Nous allons donc voir encore la mer ! dit Julien.

— Oui, et une mer bien plus grande, bien plus terrible que la Méditerranée : l’Océan. Mais ce qui me contrarie le plus, Julien, c’est que tu vas encore te trouver à manquer l’école pendant plusieurs mois.

— Oh ! mais, mon oncle, soyez tranquille : je travaillerai à bord du navire comme si j’étais en classe. André me dira quels devoirs faire, et je les ferai. De cette façon, quand nous serons enfin bien établis quelque part et que je retournerai