Le Poitou était pour Julien un petit monde, qu’il aimait à parcourir depuis le pont jusqu’à la cale. Chemin faisant il observait les moindres objets et se faisait dire d’où ils venaient, où ils allaient.
Il y avait surtout à bord quelqu’un que Julien interrogeait volontiers : c’était Guillaume le pilote, qui était presque toute la journée à son gouvernail, dirigeant avec habileté le navire le long de cette côte de France bien connue de lui.
Le père Guillaume était un vieil ami de Frantz, car ils avaient navigué ensemble bien des fois ; le père Guillaume aimait les enfants, et Julien fut tout de suite de ses amis. Chaque jour ils faisaient ensemble un bout de conversation. Guillaume avait beaucoup voyagé, il racontait volontiers ce qu’il avait vu dans les pays lointains, et Julien l’aurait écouté les journées au long sans s’ennuyer. Parfois aussi c’était Julien qui faisait la lecture à haute voix et Guillaume qui l’écoutait.
— Père Guillaume, lui dit-il un jour, je n’ai vu que deux mers, la Méditerranée et l’Océan, et elles ne se ressemblent pas ; vous qui avez vu bien d’autres mers, dites-moi donc si elles se ressemblent entre elles.
— Petit Julien, vois-tu, les différentes mers sont comme les différents pays : chacune a son aspect. Ainsi la Méditerranée est bleue, l’Océan où nous voici est verdâtre, la mer de Chine et la mer du Japon ont une teinte jaune, la mer de Californie est rosée, ce qui fait qu’on l’appelle mer Vermeille.
— Père Guillaume, qu’est-ce qui fait ces couleurs-là ?
— Tantôt ce sont les rayons lumineux d’un beau ciel,