Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/236

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mille fois mieux que les phares qui s’allument en ce moment le long de la côte.

La nuit, en effet, était venue pendant que Guillaume et Julien parlaient ainsi, et dans le lointain, à travers une brume légère, on voyait la lueur rouge, blanche ou bleue, des phares placés sur les pointes les plus avancées de la presqu’île bretonne, qui dessinaient ainsi dans la nuit les contours de la côte. Tantôt, c’étaient des feux fixes, tantôt, des feux à éclipses qui semblaient s’éteindre et se rallumer tour à tour, et qui, tournant sur eux-mêmes, éclairaient successivement toutes les parties de l’horizon.

— Que tous ces phares sont beaux à voir ! disait Julien ; c’est une vraie illumination.

— Tout cela est fait pour nous éclairer dans notre route : les phares tiennent compagnie au navigateur et lui indiquent le bon chemin. Tu ne peux te faire une idée, petit Julien, combien cette côte de Bretagne était dangereuse autrefois. Il y a là des rochers qui ont mis en pièces je ne sais combien de navires : leurs noms font penser à tous les désastres qu’ils ont causés ; dans la Baie des trépassés, par exemple, que de naufrages il y a eu ! Lorsque, dans les tempêtes, la mer se brise sur tous ces rochers, elle fait un tel bruit qu’on l’entend sept lieues à la ronde. Il se produit aussi des tourbillons et des gouffres où tout vaisseau qui entre se trouve englouti, comme le gouffre du diable. Mais maintenant les plus dangereux de ces rochers portent chacun leur phare, et alors, au lieu d’être un péril pour les marins, ils leur sont une aide et semblent s’avancer eux-mêmes dans la mer pour mieux les guider.



XCII. — Il faut tenir sa parole. — La promesse du père Guillaume. — Dignité et respect de soi.


La parole d’un honnête homme vaut un écrit.


— Ah ! mon Dieu ! père Guillaume, dit le lendemain le petit Julien, pour savoir autant de choses que vous savez, il faut donc qu’il y ait bien longtemps que vous allez sur mer ?

— Eh ! oui, petit, répondit le pilote tout en regardant l’Océan qui était toujours un peu agité ; voilà déjà vingt-cinq ans que je roule sur toutes les mers, et par tous les temps.

— Et cela ne vous ennuie point, père Guillaume, d’être toujours ainsi sur l’eau, exposé aux tempêtes !