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Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/260

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On le coucha aussitôt sur le côté. Guillaume desserra les dents du capitaine : on vit l’eau ressortir de sa bouche. Ensuite Guillaume le frictionna par tout le corps pour rappeler la chaleur, et, appuyant la main sur sa poitrine, il la fit successivement se lever et s’abaisser pour imiter les mouvements de la respiration.

Le corps semblait toujours inanimé. Le père Guillaume, sans se décourager, approcha alors sa bouche de la sienne et lui souffla doucement de l’air. Il fit cela avec patience pendant assez longtemps. André et Julien, se dépouillant de leur veste, avaient recouvert le noyé pour le réchauffer.

Enfin le souffle du capitaine parut répondre à celui de Guillaume ; un léger tressaillement agita son corps, ses lèvres remuèrent et ses yeux se rouvrirent. L’oncle Frantz, prenant une gourde d’eau-de-vie, lui en versa quelques gouttes qui le ranimèrent tout à fait.

Quand il put parler, le capitaine raconta à ceux dont les soins intelligents venaient de le sauver que la chaloupe chargée de monde avait eu une avarie, avait pris l’eau et sombré. Il avait nagé pendant plusieurs heures, espérant rencontrer quelque navire. Puis il avait aperçu de loin le canot et s’était dirigé vers lui. Enfin les forces l’avaient abandonné, et depuis il ne savait plus ce qu’il était devenu.



CII. — L’attente d’un navire et les signaux de détresse.


De même que, sur mer, les vaisseaux se détournent de leur route pour venir au secours des naufragés, de même, dans la vie, nous devons aller vers ceux qui souffrent et faire pour eux sans hésiter les sacrifices que réclame leur misère.


Vers midi, le vent changea brusquement. En même temps, la brume qui n’avait cessé d’envelopper la barque se dissipa peu à peu, et les naufragés, qui étaient maintenant cinq, purent observer l’horizon sur tous les points.

— En temps ordinaire, dit Guillaume, nous ne tarderions pas à apercevoir quelque navire, car la Manche est la mer la plus fréquentée du globe ; mais après une telle tempête, c’est grand hasard si quelque vaisseau a pu tenir la mer et si l’on vient à notre secours.

— Espérons pourtant, dit le capitaine.

Et la barque continua de voguer au hasard des vents et des vagues.