Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/304

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Julien, enchanté, reprit aussitôt : Vous devez être bien contentes à présent d’avoir une ferme et de vivre aux champs ? Moi, j’aime les champs comme tout, savez-vous ? Et les vaches, et les chevaux, et toutes les bêtes, d’abord !

Le visage des petites filles s’était assombri. L’aînée poussa un gros soupir et ne répondit rien. La plus jeune, Marie, plus expansive que sa sœur, s’écria tristement :

— Oh ! Julien, nous avons beaucoup de peine au contraire. Il y a sur la ferme des charges trop dures, à ce que dit papa ; et puis, pendant la guerre, les bâtiments ont été à moitié détruits ; rien n’est ensemencé. Alors papa dit : « Il vaut mieux que je m’en retourne sur mer ! » et maman pleure.

L’enfant, qui avait exposé la situation tout d’une haleine, s’arrêta d’un air découragé.

La petite figure de Julien s’attrista à son tour. En ce moment, l’oncle Frantz et André arrivèrent, et on se dirigea vers la ferme.

Chemin faisant, chacun observait la campagne, en réfléchissant aux paroles désolées de la petite.

Bientôt on vit se dessiner au pied de la colline, derrière quelques noyers mutilés, les bâtiments de la ferme.

— Mon Dieu ! s’écria Julien en joignant les mains avec tristesse, pauvre maison ! elle est presque démolie : il y a des places où il ne reste plus que les quatre murs tout noirs avec des trous de boulets. Je vois qu’on s’est battu ici comme chez nous : il me semble que je reviens à Phalsbourg.

Et tout en marchant, Julien réfléchissait aux malheurs sans nombre que la guerre entraîne après elle partout où elle passe.



CXXI. — J’aime la France.


Le travail est béni du ciel, car il fait renaître le bonheur et l’aisance où la guerre ne laisse que deuil et misère.


Dans la grande salle délabrée de la ferme, dont les murs portaient encore la trace des balles, le pilote Guillaume se promenait la tête basse, les mains derrière le dos. Il était changé : il n’avait point cet air d’assurance et de décision qui lui était habituel au bord du navire ; il semblait inquiet et abattu.

A la voix de la petite Marie il se retourna et, apercevant ses amis, il courut se jeter au cou de son ancien camarade.