— Est-ce que vous êtes monté au mont Blanc ?
— Oh ! pour cela non, mon ami. C’est plus difficile à faire que tu ne l’imagines, l’ascension du mont Blanc.
— Pourquoi donc, monsieur Gertal ?
— D’abord, il faut marcher deux journées, toujours en montant, comme bien tu penses, et la marche n’est pas facile. Ces hautes montagnes ont sur leurs flancs de vastes champs de glace et de neige durcie qu’on appelle glaciers. L’un des glaciers qui sont au pied du mont Blanc a deux lieues de large sur six lieues de long : c’est une vaste mer de glace, tantôt unie comme un miroir, tantôt bouleversée comme les flots de la mer dans la tempête. Quand on marche sur ces glaciers aux pentes rapides, il faut des souliers ferrés exprès pour ne pas glisser, des bâtons ferrés pour se retenir. On arrive souvent devant des murs de glace qui barrent le chemin : alors il faut creuser à coups de hache dans la glace une sorte d’escalier où l’on puisse poser le pied. Puis il y a des crevasses plus profondes que des puits ; la neige glacée les recouvre, mais, si on s’aventure par mégarde sur cette neige trop peu épaisse, elle craque, se brise, et on tombe au fond du gouffre.
— J’ai entendu dire, fit André, que l’on s’attachait avec une même corde plusieurs ensemble, de façon que, si l’un tombe, les autres le retiennent ; est-ce vrai, monsieur Gertal ?
— Certainement, répondit le patron ; c’est ce que j’allais