Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/91

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raconter ; mais quelquefois la chute de l’un entraîne les autres. Puis, on est exposé aux avalanches qui se détachent du haut de la montagne et qui peuvent vous engloutir. En outre, le froid devient tel, à mesure qu’on s’élève, qu’il faut s’envelopper le visage d’un masque en gaze pour que la peau ne se fendille pas jusqu’au sang. Enfin, la difficulté de respirer sur ces hauteurs est si grande, qu’on peut à peine se traîner ; des hommes très robustes ne peuvent marcher plus de vingt-cinq pas sans s’arrêter pour se reposer et respirer.

— C’est étonnant, cela, dit Julien : moi, je trouve l’air si pur sur les hauteurs, qu’il me semble qu’on y respire mieux.

— Oui, dit le patron, quand on n’est pas trop haut ; mais à mesure qu’on s’élève, l’air devient plus rare, l’air vous manque ; André doit savoir cela ?

— Oui, monsieur ; j’ai même appris à l’école que, si on pouvait s’élever à 60 kilomètres au-dessus de la terre, il n’y aurait plus d’air du tout, et on ne pourrait respirer ni vivre.

— Eh bien, sur le sommet du mont Blanc, il y a déjà deux fois moins d’air que dans la plaine ; aussi est-on obligé de respirer deux fois plus vite pour avoir sa quantité d’air. Alors le cœur se met à battre aussi moitié plus vite, on a la fièvre, on sent ses forces s’en aller, on est pris d’une soif ardente et en même temps d’un invincible besoin de dormir, et le tout au milieu d’un froid rigoureux. Si l’on se laisse aller à dormir, c’est fini, le froid vous engourdit et on meurt sans pouvoir se réveiller.

— Oh ! oh ! dit Julien, je comprends qu’il n’y ait pas grand monde à se risquer jusque-là ; mais qui donc a jamais osé monter le premier au mont Blanc ?

— C’est un hardi montagnard nommé Joseph Balmat ; il y est allé seul une première fois, puis, il a aidé un grand savant nommé de Saussure à y monter. C’est de Saussure qui a observé au sommet du mont ce que je vous disais tout à l’heure sur la rareté de l’air. Il a fait beaucoup d’autres expériences ; par exemple, il a allumé du feu, mais son feu avait la plus grande peine à brûler à cause du manque d’air ; il a déchargé un pistolet, mais ce pistolet ne fit pas plus de bruit qu’un simple pétard de confiseur, car c’est l’ébranlement de l’air qui produit le son, et là où il y a moins d’air, tout son devient plus faible. De Saussure fut bien surpris aussi de