Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/151

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— Quelle veine ! disait le père Tabaret, quelle chance incroyable ! Gévrol a beau dire, le hasard est encore le plus grand des agents de police. Qui aurait imaginé une pareille histoire ! Je n’étais pourtant pas loin de la réalité. J’avais flairé un enfant là-dessous. Mais comment soupçonner une substitution ? un moyen si usé que les dramaturges n’osent plus s’en servir au boulevard. Voilà qui prouve bien le danger des idées préconçues en police. On s’effraye de l’invraisemblance, et c’est l’invraisemblance qui est vraie. On recule devant l’absurde, et c’est à l’absurde qu’il faut pousser. Tout est possible.

Je ne donnerais pas ma soirée pour mille écus. Je fais d’une pierre deux coups ; je livre le coupable et je donne à Noël un fier coup d’épaule pour reconquérir son état civil. En voilà un qui certes est digne de sa bonne fortune ! Pour une fois, je ne serais pas fâché de voir arriver un garçon élevé à l’école du malheur. Bast ! il sera comme les autres. La prospérité lui tournera la tête. Ne parlait-il pas déjà de ses ancêtres… Pauvre humanité ! il était à pouffer de rire… C’est cette Gerdy qui me surprend le plus. Une femme à qui j’aurais donné le bon Dieu sans confession. Quand je pense que j’ai failli la demander en mariage, l’épouser ! Brrr…

À cette idée le bonhomme frissonna. Il se vit marié, découvrant tout à coup le passé de madame Ta-