Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/240

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ai la preuve. Je vous ai prié, moi, votre père, je vous ai conjuré de renoncer à épouser la petite-fille de cette vieille folle de marquise d’Arlange : à quoi cela a-t-il servi ? À rien. Et après trois ans de luttes, il m’a fallu céder.

— Mon père… voulut commencer Albert.

— C’est bien, interrompit le comte, vous avez ma parole, brisons. Mais souvenez-vous de ce que je vous ai prédit. Vous portez le coup mortel à notre maison. Vous serez, vous, un des grands propriétaires de la France ; ayez quatre enfants, ils seront à peine riches ; qu’eux-mêmes en aient chacun autant, et vous verrez vos petits-fils dans la gêne.

— Vous mettez tout au pis, mon père.

— Sans doute, et je le dois. C’est le moyen d’éviter les déceptions. Vous m’avez parlé du bonheur de votre vie ! Misère ! Un homme vraiment noble songe à son nom avant tout. Mademoiselle d’Arlange est très-jolie, très-séduisante, tout ce que vous voudrez, mais elle n’a pas le sou. Je vous avais, moi, choisi une héritière.

— Que je ne saurais aimer…

— La belle affaire ! Elle vous apportait, dans son tablier, quatre millions, plus que les rois d’aujourd’hui ne donnent en dot à leurs filles. Sans compter les espérances…

L’entretien, sur ce sujet, pouvait être interminable ; mais en dépit d’une contrainte visible, le vi-