Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/249

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bercé, à l’exemple des hommes d’imagination, de bien des projets chimériques, et voilà que la réalité le prenait comme au dépourvu.

Albert resta respectueusement debout, pendant que son père s’asseyait dans son grand fauteuil armorié, précisément au-dessous d’un cadre immense où l’arbre généalogique de l’illustre famille de Rhéteau de Commarin étalait ses luxuriants rameaux.

Le vieux gentilhomme ne laissait rien voir des appréhensions cruelles qui l’étreignaient. Il ne semblait ni irrité ni abattu. Seulement ses yeux exprimaient une hauteur encore plus dédaigneuse qu’à l’ordinaire, une assurance pleine de mépris à force d’être imperturbable.

— Maintenant vicomte, commença-t-il d’une voix ferme, expliquez-vous. Je ne vous dirai rien de la situation d’un père condamné à rougir devant son fils, vous êtes fait pour la comprendre et la plaindre. Épargnons-nous mutuellement et tâchez de rester calme. Parlez, comment avez-vous eu connaissance de ma correspondance ?

Albert, lui aussi, avait eu le temps de se recueillir et de se préparer à la lutte présente, depuis quatre jours qu’il attendait cet entretien avec une mortelle impatience.

Le trouble qui s’était emparé de lui aux premiers mots avait fait place à une contenance digne et fière. Il s’exprimait purement et nettement, sans s’égarer