Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/259

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traitez en ce moment comme si l’issue de cette malheureuse affaire dépendait uniquement de ma volonté. Vous imaginez-vous donc que M. Gerdy sera de si facile composition et se taira ? Et s’il élève la voix, espérez-vous le toucher beaucoup avec les considérations que vous m’exposez ?

— Je ne le redoute pas.

— Et vous avez tort, monsieur, permettez-moi de vous le dire. Accordez à ce jeune homme, j’y consens, une âme assez haute pour ne désirer ni votre rang ni votre fortune ; mais songez à tout ce qu’il doit s’être amassé de fiel dans son cœur. Il ne peut pas ne pas avoir un cruel ressentiment de l’horrible injustice dont il a été victime. Il doit souhaiter passionnément une vengeance, c’est-à-dire la réparation.

— Il n’y a pas de preuves.

— Il a vos lettres, monsieur.

— Elles ne sont pas décisives, vous me l’avez dit.

— C’est vrai, monsieur, et, cependant, elles m’ont convaincu, moi qui avais intérêt à ne pas l’être. Puis, s’il lui faut des témoins, il en trouvera.

— Et qui donc, vicomte ? Vous, sans doute ?

— Vous-même, monsieur. Le jour où il le voudra, vous nous trahirez. Qu’il vous fasse appeler devant les tribunaux, et que là, sous la foi du serment, on vous adjure, on vous somme de dire la vérité, que répondrez-vous ?