Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/340

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Immédiatement il éprouva une sensation marquée de bien-être. Il était seul. Plus de chuchotements étouffés à ses oreilles, plus de voix aigres, plus de questions acharnées. Un silence, profond à donner l’idée du néant, se faisait autour de lui. Il lui sembla qu’il était à tout jamais retranché de la société, et il s’en réjouit. Il put croire qu’il lui était donné de subir une épreuve de la tombe. Son corps, aussi bien que son esprit, était accablé de lassitude. Il cherchait à s’asseoir quand il aperçut une maigre couchette, à droite, en face de la fenêtre grillée munie de son abat-jour. Ce lit lui donna autant de joie qu’une planche au nageur qui coule. Il s’y précipita et s’étendit avec délices. Cependant il sentait des frissons. Il défit la grossière couverture de laine, s’en enveloppa et s’endormit d’un sommeil de plomb.

Dans le corridor, deux agents de la police de sûreté, l’un jeune encore, l’autre grisonnant déjà, appliquaient alternativement l’œil et l’oreille au judas pratiqué dans la porte.

Ils épiaient tous les mouvements du prisonnier, regardant et écoutant de toutes leurs forces.

— Dieu ! est-il chiffe, cet homme-là, murmurait le jeune policier. Quand on n’a pas plus de nerf que cela, on devrait bien rester honnête. En voilà un qui ne songera guère à faire sa tête, le matin de sa toilette. N’est-ce pas, monsieur Balan ?