Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/367

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— Voyons, voyons ! fit M. Daburon sans interrompre ses préparatifs de départ, vous perdez la tête, mon cher monsieur Tabaret. Comment, après ce que vous venez de lire…

— Oui, monsieur, oui, après ce que je viens de lire, je vous crie : arrêtez, ou nous allons ajouter une erreur à la déplorable liste des erreurs judiciaires ! Revoyez-le, là, de sang-froid, cet interrogatoire : il n’est pas une réponse qui ne disculpe cet infortuné, pas un mot qui ne soit un trait de lumière. Et il est en prison, au secret ?

— Et il y restera, s’il vous plaît ! interrompit le juge. Est-ce bien vous qui parlez ainsi, après ce que vous disiez cette nuit, lorsque j’hésitais, moi !

— Mais, monsieur ! s’écria le bonhomme, je vous dis précisément la même chose. Ah ! malheureux Tabaret, tout est perdu, on ne t’a pas compris. Pardonnez, si je m’écarte du respect dû au magistrat, monsieur le juge, vous n’avez pas saisi ma méthode. Elle est bien simple, pourtant. Un crime étant donné, avec ses circonstances et ses détails, je construis pièce par pièce un plan d’accusation que je ne livre qu’entier et parfait. S’il se rencontre un homme à qui ce plan s’applique exactement dans toutes ses parties, l’auteur du crime est trouvé, sinon on a mis la main sur un innocent. Il ne suffit pas que tel ou tel épisode tombe juste ; non, c’est tout ou rien. Cela est infaillible. Or, ici, comment suis-je arrivé