Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/492

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son bonheur ; non ! Mon enfant est à moi, je le garderai. La terre n’a ni honneurs ni richesses qui puissent remplacer une mère veillant sur un berceau. Tu veux, en échange, me donner l’enfant de l’autre ; jamais ! Quoi ! c’est cette femme qui embrasserait mon fils ! C’est impossible ! Retirez d’auprès de moi cet enfant étranger, il me fait horreur, je veux le mien. Malheureux ! n’insiste pas, ne me menace pas de ta colère, de ton abandon, je céderais et je mourrais après. Guy, renonce à ce projet fatal, la pensée seule est un crime. Quoi ! mes prières, mes pleurs, rien ne t’émeut ! Eh bien ! Dieu nous punira. Tremble pour notre vieillesse. Tout se sait. Un jour viendra où les enfants nous demanderont des comptes terribles. Ils se lèveront pour nous maudire. Guy ! j’entrevois l’avenir. Je vois mon fils justement irrité s’avancer vers moi. Que dit-il, grand Dieu ! Oh ! ces lettres, ces lettres, cher souvenir de nos amours ! Mon fils ! Il me menace, il me frappe ! À moi ! à l’aide ! Un fils frapper sa mère… Ne le dites à personne, au moins ! Dieu ! que je souffre ! Il sait pourtant bien que je suis sa mère, il feint de ne pas me croire. Seigneur, c’est trop souffrir. Guy ! pardon ! ô mon unique ami ! je n’ai ni la force de résister ni le courage d’obéir.

À ce moment, la seconde porte de la chambre donnant sur le palier s’ouvrit, et Noël parut, pâle comme à l’ordinaire, mais calme et tranquille.