Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/85

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— D’où est datée cette lettre ? demanda le père Tabaret, que le style devait fixer au moins sur un point.

— Voyez, répondit Noël.

Il tendit la lettre au bonhomme, qui lut : « Venise, décembre 1828. »

— Vous sentez, reprit l’avocat, toute l’importance de cette première lettre. Elle est comme l’exposition rapide qui établit les faits. Mon père, marié malgré lui, adore sa maîtresse et déteste sa femme. Toutes deux se trouvent enceintes en même temps, et ses sentiments au sujet des deux enfants qui vont naître ne sont pas fardés. Sur la fin, on voit presque poindre l’idée que plus tard il ne craindrait pas de mettre à exécution, au mépris de toutes les lois divines et humaines.

Il commençait presque une sorte de plaidoyer ; le père Tabaret l’interrompit.

— Ce n’est pas la peine de développer, dit-il. Dieu merci ! ce que vous lisez est assez explicite. Je ne suis pas un grand grec en pareille matière, je suis simple comme le serait un juré ; pourtant, je comprends admirablement.

— Je passe plusieurs lettres, reprit Noël, et j’arrive à celle-ci, du 23 janvier 1829. Elle est fort longue et pleine de choses complètement étrangères à ce qui nous occupe. Pourtant j’y trouve deux passages qui attestent le travail lent et continu de la pensée de mon père :