Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tu as donné la volée à un secret qui te tourmente diablement, et tu venais ici pour tâcher de le reprendre. En y réfléchissant, tu t’es dit, toi rusé, que sans doute M. Plantat n’avait encore parlé à qui que ce soit et tu arrivais avec le projet ingénieux de l’empêcher de parler désormais à âme qui vive.

Le rebouteux voulut protester.

— Tais-toi donc, lui dit M. Lecoq, et ton coutelas ?

Pendant cet interrogatoire sommaire du rebouteux, le père Plantat réfléchissait.

— Peut-être, murmura-t-il, peut-être ai-je parlé trop tôt.

— Pourquoi donc ? répondit l’agent de la sûreté, je cherchais une preuve palpable à donner à M. Domini, nous lui servirons ce joli garçon, et s’il n’est pas content, c’est qu’il est trop difficile.

— Mais que faire de ce misérable ?

— Il doit bien y avoir dans la maison un endroit pour l’enfermer ; s’il le faut, je le ficellerai.

— J’ai là, proposa le juge de paix, un cabinet noir.

— Est-il sûr ?

— Trois des côtés sont formés de murs épais, le quatrième qui donne ici même est fermé par une double porte, pas d’ouvertures, pas de fenêtres, rien.

— C’est notre affaire.

Le père Plantat ouvrit alors le cabinet qui sert de décharge à sa bibliothèque, sorte de trou noir, humide faute d’air, étroit, et tout plein de livres de rebut, de paquets de journaux et de vieux papiers.

— Tu seras, là-dedans, comme un petit roi, dit l’agent au rebouteux.

Et, après l’avoir fouillé, il le poussa dans le cabinet.

Robelot ne résista pas, mais il demanda à boire et une lumière. On lui passa une carafe pleine d’eau et un verre.

— Quant à de la lumière, lui dit M. Lecoq, tu t’en passeras. Tu n’aurais qu’à nous jouer quelque mauvais tour !