Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/342

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— Gendarmes, dit-il, remmenez le prévenu.

Les derniers doutes du juge d’instruction s’étaient dissipés comme le brouillard au soleil. Pour tout dire, il ressentait une certaine peine d’avoir si mal traité l’agent de la sûreté. Au moins essaya-t-il de réparer autant qu’il était en lui sa dureté passée.

— Vous êtes un homme habile, monsieur, dit-il à M. Lecoq. Sans parler de votre perspicacité si surprenante qu’elle pourrait passer pour un don de seconde vue, votre interrogatoire de tout à l’heure est un chef-d’œuvre en son genre. Recevez donc mes félicitations, sans préjudice de la récompense que je me propose de demander pour vous à vos chefs.

L’agent de la sûreté, à ces compliments, baissait les yeux avec des airs de vierge. Il regardait tendrement la vilaine femme de la bonbonnière, et sans doute, il lui disait :

— Enfin, mignonne, nous l’emportons, cet austère magistrat qui déteste si fort l’institution dont nous sommes le plus bel ornement, fait amende honorable ; il reconnaît et loue nos utiles services.

Et tout haut il répondit :

— Je n’accepte, monsieur, que la moitié de vos éloges, permettez-moi d’offrir l’autre à monsieur le juge de paix.

Le père Plantat voulut protester.

— Oh ! fit-il, pour quelques renseignements ! Sans moi vous arriviez quand même à la vérité.

Le juge d’instruction s’était levé. Noblement, mais non sans un certain effort, il tendit la main à M. Lecoq qui la serra respectueusement.

— Vous m’épargnez, monsieur, lui dit-il, de grands remords. Certes, l’innocence de Guespin aurait été tôt ou tard reconnue ; mais l’idée d’avoir retenu un innocent en prison, de l’avoir harcelé de mes interrogatoires, aurait longtemps tourmenté ma conscience et troublé mon sommeil.

— Dieu sait cependant que ce pauvre Guespin n’est