Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/343

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guère intéressant, répond l’agent de la sûreté. Je lui en voudrais cruellement si je n’étais certain qu’il est plus d’à moitié fou.

M. Domini eut un tressaillement.

— Je vais faire lever son secret aujourd’hui même, dit-il, à l’instant.

— Ce sera certes un acte de charité, fit M. Lecoq, mais la peste soit de l’entêté. Il lui était si facile de simplifier ma tâche ! J’ai bien pu, en effet, le hasard m’aidant, reconstituer les faits principaux, trouver l’idée de la commission, soupçonner l’intervention d’une femme ; je ne saurais, n’étant pas sorcier, deviner les détails. Comment miss Fancy est-elle mêlée à cette affaire ? Est-elle complice ? n’a-t-elle fait que jouer un rôle dont elle ignorait l’intention ? Où s’est-elle rencontrée avec Guespin, où l’a-t-elle entraîné ? Il est évident que c’est elle qui a grisé le pauvre diable pour l’empêcher d’aller aux Batignolles. Il faut que Trémorel lui ait conté quelque fable. Laquelle ?

— Je crois, moi, interrompit le juge de paix, que Trémorel ne s’est pas, pour si peu, mis en frais d’imagination. Il aura chargé Guespin et Fancy d’une commission sans leur donner la moindre explication.

M. Lecoq réfléchit une minute.

— Peut-être avez-vous raison, monsieur, dit-il enfin. Il fallait cependant que Fancy eût des ordres particuliers pour empêcher Guespin d’avoir un alibi à fournir.

— Mais, fit M. Domini, cette Fancy nous expliquera tout.

— J’y compte bien, monsieur, et j’espère bien qu’avant quarante-huit heures, je l’aurai retrouvée et expédiée à Corbeil sous bonne escorte.

Il se leva sur ces mots, et alla prendre sa canne et son chapeau qu’il avait, en entrant, déposés dans un coin.

— Avant de me retirer… dit-il au juge d’instruction.

— Oui, je sais, interrompit M. Domini, vous attendez le mandat d’arrêt du comte Hector de Trémorel.