Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/411

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— Misérable lâche ! s’écria-t-elle en l’ajustant, tire ou sinon…

Il hésitait, le bruit se renouvela, elle fit feu. Trémorel tomba mort.

D’un geste rapide, Laurence ramassa l’autre pistolet et déjà elle le tournait contre elle, quand M. Lecoq bondit jusqu’à elle et lui arracha l’arme des mains.

— Malheureuse ! s’écria-t-il, que voulez-vous ?

— Mourir. Est-ce que je puis vivre, maintenant ?

— Oui, vous pouvez vivre, répondit l’agent de la sûreté, et je dirai plus, vous devez vivre.

— Je suis une fille perdue…

— Non. Vous êtes une pauvre enfant séduite par un misérable. Vous êtes bien coupable, dites-vous, soit, vivez pour expier. Les grandes douleurs comme la vôtre ont leur mission en ce monde, mission de {dévoûment et de charité. Vivez, et le bien que vous ferez vous rattachera à la vie. Vous avez cédé aux trompeuses promesses d’un scélérat, souvenez-vous, quand vous serez riche, qu’il y a de pauvres filles honnêtes, forcées de se vendre pour un morceau de pain. Allez à ces malheureuses, arrachez-les à la débauche, et leur honneur sera le vôtre.

M. Lecoq observait Laurence tout en parlant, et il s’aperçut qu’il la touchait. Pourtant ses yeux restaient secs et avaient un éclat inquiétant.

— D’ailleurs, reprit-il, votre vie n’est pas à vous, vous êtes mère.

— Eh ! répondit-elle, c’est pour mon enfant qu’il faut que je meure maintenant, si je ne veux pas mourir de honte quand il me demandera qui est son père…

— « Vous lui répondrez, madame, en lui montrant un honnête homme, en lui montrant un vieil ami, M. Plantat, qui est prêt à lui donner son nom.

Le vieux juge de paix était mourant ; pourtant, il eut encore la force de dire :

— Laurence, ma fille bien aimée, je vous en conjure, acceptez…