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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/228

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— Ah ! ah ! fit-il, elle est votre maîtresse. Jarnibleu ! j’en suis charmé. Mes compliments, comte ; on la dit agréable, cette petite.

— Monsieur, interrompit Gaston presque menaçant, je l’aime, je vous l’ai dit, vous l’oubliez. J’ai juré.

— Ta ! ta ! ta ! s’écria le marquis, je trouve vos scrupules singuliers. Est-ce qu’un de ses aïeux, à elle, n’a pas détourné du bon chemin une de nos aïeules à nous ? Maintenant, nous sommes quittes. Ah ! elle est votre maîtresse…

— Sur la mémoire de ma mère et sur notre nom, je le jure, elle sera ma femme !

— Vraiment ! s’écria le marquis exaspéré, vous osez le prendre sur ce ton !… Jamais, entendez-vous bien ? jamais vous n’aurez mon consentement. Vous savez si l’honneur de notre maison m’est cher ? Eh bien, j’aimerais mieux vous voir pris, jugé, condamné, j’aimerais mieux vous savoir au bagne que le mari de cette péronelle.

Ce dernier mot transporta Gaston.

— Que votre volonté soit donc faite, mon père, dit-il ; je reste, on m’arrêtera, on fera de moi ce qu’on voudra, peu m’importe !… Je ne veux pas d’une vie sans espoir. Reprenez ces bijoux, ils me sont inutiles désormais.

Une scène terrible allait certainement éclater entre le père et le fils, quand la porte de la chambre s’ouvrit avec fracas. Tous les domestiques du château se pressaient dans le couloir.

— Les gendarmes ! disaient-ils, voici les gendarmes !…

À cette nouvelle, le vieux marquis se dressa et réussit à rester debout. Tant d’émotions l’agitaient depuis une heure, que la goutte cédait.

— Des gendarmes ! s’écria-t-il, chez moi, à Clameran ! Nous allons leur faire payer cher leur audace ! Vous m’aiderez vous autres !…

— Oui ! oui ! répondirent les domestiques, à bas les gendarmes !