Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Par bonheur, en ce moment où tout le monde perdait la tête, Louis conservait tout son sang-froid.

— Résister serait folie, prononçait-il ; nous repousserons peut-être les gendarmes ce soir, mais demain ils reviendront plus nombreux.

— C’est vrai, dit amèrement le vieux marquis, Louis a raison. Ne faut-il pas, comme on dit maintenant, que force reste à la loi ? On chantait déjà cela, en 93. Ne devrais-je pas savoir que les gendarmes sont tout-puissants ! Ne s’en trouve-t-il pas, quand je chasse, d’assez hardis pour venir me demander mon port d’armes, à moi, un Clameran…

— Où sont-ils ? interrogea Louis.

— À la grille, répondit La Verdure, un des palefreniers. Monsieur le vicomte n’entend-il pas le bruit affreux qu’ils font avec leurs sabres ?

— Alors Gaston va fuir par la porte du potager.

— Gardée ! monsieur, s’écria La Verdure, désespéré, elle est gardée, et la petite porte du parc aussi. Ils sont tout un régiment. Même, quelques-uns sont en faction le long des murs du parc.

Ce n’était que trop vrai. Le bruit de la mort de Lazet, aussitôt répandu, avait mis Tarascon sens dessus dessous. On avait fait monter à cheval, pour arrêter le meurtrier, non-seulement les gendarmes, mais encore un peloton des hussards de la garnison.

Une vingtaine de jeunes gens de la ville, au moins, guidaient la force armée.

— Ainsi, fit le marquis, recouvrant à l’heure du péril toute sa présence d’esprit, ainsi, nous sommes cernés.

— Pas une chance d’évasion ne reste, gémit Saint-Jean.

— C’est ce que nous allons voir, jarnibleu ! s’écria M. de Clameran. Ah ! nous ne sommes pas les plus forts. Eh bien ! nous serons les plus adroits. Attention tous ! Toi, Louis, mon fils, tu vas descendre aux écuries avec La Verdure ; vous monterez les deux meilleurs chevaux, vous en prendrez chacun un en main, et vous irez vous