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Ses prévisions ne furent pas déçues. Un courant oblique tout à coup l’emporta vers la rive droite, et s’il ne se fût pas tenu sur ses gardes, il était roulé et coulé.

Mais le remous n’allait pas aussi loin que le supposait Gaston, et il était encore loin du bord, quand, avec la foudroyante rapidité du boulet, il passa devant le parc de La Verberie.

Il eut le temps, cependant, d’entrevoir, sous les arbres, comme une ombre blanche : Valentine l’attendait.

Ce n’est que beaucoup plus bas que, s’étant insensiblement rapproché du bord, il essaya de prendre terre.

Sentant qu’il avait pied, deux fois il se dressa, deux fois la violence du courant le renversa. Il allait être entraîné quand il réussit à saisir quelques branches de saule, qui l’aidèrent à se hisser sur la berge.

Il était sauvé.

Aussitôt, sans prendre le temps de respirer, il s’élança dans la direction de La Verberie, et bientôt fut dans le parc.

Il était temps qu’il arrivât. Brisée par l’intensité de ses angoisses, l’infortunée Valentine gisait affaissée sur elle-même, sentant la vie se retirer d’elle.

Les embrassements de Gaston la tirèrent de cette morne stupeur.

— Toi ! s’écriait-elle d’une voix où éclatait toute la folie de sa passion, toi ! Dieu a donc eu pitié de nous ? il a donc entendu mes prières ?

— Non, murmura-t-il, non, Valentine, Dieu n’a pas eu pitié.

Ses pressentiments ne la trompaient pas, elle le comprenait à l’accent de Gaston.

— Quel malheur nouveau nous frappe ! s’écria-t-elle, pourquoi êtes-vous venu ainsi, risquant votre vie qui est la mienne ; que se passe-t-il ?

— Il y a, Valentine, que notre secret n’est plus à nous, que nos amours sont, à cette heure, la risée du pays.

Elle recula comme foudroyée, se voilant la figure de ses mains, laissant échapper un long gémissement.