ter à la chambre de sa fille, et là, elle dut se rendre à l’évidence : Valentine était en péril.
Nulle appréhension ne parut sur son visage, mais elle envoya chercher à Tarascon le docteur Raget, qui était alors l’oracle du pays, le même qui, dans la nuit, avait été mandé à Clameran pour le marquis.
Il était, celui-là, de ces hommes dont le souvenir vit longtemps encore, après qu’ils ne sont plus. Noble cœur, vaste intelligence, il avait donné sa vie à son art. Riche, il ne réclama jamais le prix d’une visite. Nuit et jour, on rencontrait par les chemins, attelé d’une jument grise, son vieux cabriolet dont le coffre renfermait toujours pour les pauvres du bouillon et du vin.
C’était alors un petit homme de plus de cinquante ans, chauve, à l’œil vif, à la lèvre spirituelle, gai, causeur, bien que zézeyant un peu, et facile et bon jusqu’à l’excès.
Le commissionnaire avait eu le bonheur de le trouver, et il le ramenait.
En apercevant Valentine, le docteur Raget fronça le sourcil.
Doué d’une perspicacité profonde, aiguisée par la pratique, il étudiait alternativement Valentine et sa mère, jetant sur la vieille dame des regards si pénétrants, que son assurance en était ébranlée et qu’elle sentait le rouge monter à ses joues ridées.
— Cette enfant est bien malade ! prononça-t-il enfin.
Et comme Mme de La Verberie ne répondait pas.
— Je désire, ajouta-t-il, rester quelques instants seul avec elle.
Le docteur Raget, par sa réputation et par son caractère, imposait trop à la comtesse pour qu’elle osât résister. Elle sortit, non sans une répugnance visible, et alla attendre dans une pièce voisine, calme en apparence, en réalité remuant les plus sombres pensées.
Ce n’est guère qu’au bout d’une demi-heure — un siècle — que le docteur reparut. Lui qui avait vu tant de misères, consolé tant de douleurs, il semblait très-ému.
— Eh bien ? lui demanda la comtesse.