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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/255

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— Vous êtes mère, madame, répondit-il tristement, c’est-à-dire que votre cœur a des trésors d’indulgence et de pardon, n’est-ce pas ? Armez-vous de courage. Mlle Valentine est enceinte.

— La misérable ! je l’avais deviné.

L’œil de la comtesse eut une si épouvantable expression, que le docteur en fut frappé. Il posa sa main sur le bras de la vieille dame, et, la fixant jusqu’à la faire frissonner, il ajouta, appuyant sur chaque mot :

— Et il faut que l’enfant vienne à bien.

La pénétration du docteur n’était pas en défaut.

En effet, une idée abominable avait traversé l’esprit de Mme de La Verberie, l’idée de supprimer cet enfant, qui serait le vivant témoignage de la faute de Valentine.

Se sentant devinée, cette femme si dure et si hautaine baissa les yeux sous le regard obstiné du vieux médecin.

— Je ne vous comprends pas, docteur, murmurait-elle.

— Mais je m’entends, moi, madame la comtesse ; j’ai voulu dire simplement qu’un crime n’efface pas une faute.

— Docteur !…

— Je vous dis ce que je pense, madame. Si je me suis trompé, tant mieux pour vous. En ce moment, l’état de Mlle Valentine est grave, mais non pas inquiétant. Des émotions trop violentes ont ébranlé sa jeune organisation, et elle est en proie à une fièvre violente, que nous calmerons vite, je l’espère.

La comtesse comprenait si bien que les soupçons du vieux médecin n’étaient pas dissipés, qu’elle essaya de l’attendrissement.

— Au moins, docteur, fit-elle, vous m’assurez qu’il n’y a aucun danger ?

— Aucun, madame, répondit M. Raget avec une fine pointe d’ironie ; que votre tendresse maternelle se rassure. Ce qu’il faut avant tout à la pauvre enfant, c’est un repos d’esprit que seule vous pouvez lui donner. Quelques bonnes et douces paroles de vous feront plus et