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XXIII


Ainsi qu’il était aisé de le prévoir, ainsi que l’avait annoncé M. Verduret, l’effet de la lettre anonyme de Prosper avait été épouvantable.

C’était le matin ; M. André Fauvel venait de passer dans son cabinet pour ouvrir sa correspondance quotidienne.

Il avait déjà brisé le cachet d’une douzaine d’enveloppes et parcouru autant de communications ou de propositions d’affaires, lorsque la missive fatale lui tomba sous la main.

L’écriture lui sauta aux yeux.

Évidemment elle était contrefaite, et bien qu’en sa qualité de millionnaire il fût habitué à recevoir bon nombre de demandes ou d’injures anonymes, cette particularité le frappa, et même, — il serait puéril de nier les pressentiments, — lui serra le cœur.

C’est d’une main tremblante, avec la certitude absolue qu’il allait apprendre un malheur, qu’il fit sauter le cachet, qu’il déplia le papier grossier du café, et qu’il lut :

« Cher monsieur,

« Vous avez livré à la justice votre caissier, et vous avez bien fait puisque vous êtes certain qu’il a été infidèle.

« Mais, si c’est lui qui a pris à votre caisse 350,000 fr., est-ce lui aussi qui a volé les diamants de madame Fauvel ? etc., etc… »

Ce fut un coup de foudre pour cet homme dont la constante prospérité avait épuisé les faveurs de la destinée, et qui en cherchant bien dans tout son passé n’y