Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout d’une pièce. Tant de coups successifs le réduisaient à cet état d’insensibilité farouche du misérable qui n’a plus rien à redouter.

— Avant tout, commença M. Bertomy, combien vous reste-t-il encore des trois cent cinquante mille francs que vous avez volés ?

— Encore une fois, mon père, répondit l’infortuné avec un accent d’affreuse résignation, encore une fois, je suis innocent.

— Soit, je m’attendais à cette réponse. Ce sera donc notre famille qui réparera le préjudice causé par vous à votre patron.

— Comment ! que voulez-vous dire ?

— Le jour où il a appris votre crime, votre beau-frère est venu me rapporter la dot de votre sœur : soixante-dix mille francs. J’ai pu réunir de mon côté cent quarante mille francs. C’est en tout deux cent dix mille francs que j’ai là sur moi, et je vais les aller porter à M. Fauvel.

Cette menace tira Prosper de son anéantissement.

— Vous ne ferez pas cela ! s’écria-t-il avec une violence mal contenue.

— Je le ferai avant la fin de la journée. Pour le reste de la somme M. Fauvel m’accordera du temps. Ma pension de retraite est de quinze cents francs, je puis vivre avec cinq cents, je suis encore assez fort pour remplir un emploi, de son côté, votre beau-frère…

M. Bertomy s’arrêta court, épouvanté de l’expression de la physionomie, de son fils. Une colère si furieuse qu’elle tournait à la folie, contractait ses traits ; ses yeux, tout à l’heure éteints, lançaient des éclairs.

— Vous n’avez pas le droit, mon père, s’écria-t-il, non, vous n’avez pas le droit d’agir ainsi. Libre à vous de refuser de me croire ; il vous est interdit de tenter une démarche qui serait un aveu et me perdrait. Qui vous assure que je suis coupable ? Quoi ? lorsque la justice hésite, vous, mon père, vous n’hésitez pas, et, plus im-