Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/87

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pitoyable que la justice, vous me condamnez sans m’entendre.

— Je remplirai mon devoir !

— C’est-à-dire que je suis au bord de l’abîme et que vous allez m’y précipiter ! Est-ce là ce que vous appelez votre devoir ? Quoi ! entre des étrangers qui m’accusent et moi qui vous crie que je suis innocent, vous ne balancez pas ? Pourquoi ? Est-ce parce que je suis votre fils ? Notre honneur est en péril, c’est vrai ; raison de plus pour me soutenir, pour m’aider à le défendre et à le sauver.

Prosper avait su trouver de ces accents qui font pénétrer le doute au plus profond des consciences et ébranlent les plus solides convictions. M. Bertomy était ému.

— Cependant, murmura-t-il, tout vous accuse.

— Ah ! mon père ! c’est que vous ne savez pas qu’un jour j’ai dû fuir Madeleine ; il le fallait. J’étais désespéré, j’ai voulu m’étourdir. J’ai cherché l’oubli, j’ai trouvé le dégoût et la honte. Ô Madeleine !…

Il s’attendrissait ; mais bientôt il reprit avec une violence croissante :

— Tout est contre moi, peu importe ! je saurai me justifier ou périr à la tâche. La justice humaine est sujette à l’erreur ; innocent, je puis être condamné ; soit, je subirai ma peine ; mais on sort du bagne…

— Malheureux, que dites-vous ?…

— Je dis, mon père, que je suis maintenant un autre homme. Ma vie a un but, désormais, la vengeance. Je suis victime d’une machination infâme. Tant que j’aurai une goutte de sang dans les veines, j’en poursuivrai l’auteur. Et je le trouverai, il faudra bien qu’il expie mes tortures et mes angoisses. C’est de la maison Fauvel que part le coup, c’est là qu’il faut chercher.

— Prenez garde ! fit M. Bertomy, la colère vous égare !…

— Oui, je vous comprends, vous allez me vanter la probité de M. André Fauvel ; vous allez me dire que toutes les vertus se sont réfugiées au sein de cette fa-